Je suis content d'avoir revu ce western dont j'avais gardé un souvenir vivace depuis l'enfance, et je ne me souvenais même plus que j'avais ce DVD ; j'ai voulu tenter la VF par nostalgie, et je le regrette un peu, non pas que les voix soient pourries ou nasillardes, mais dans ces anciennes VF, on s'ingéniait à tout franciser et à déformer les noms : ainsi Warbonnet Creek devient curieusement Warbonnet Gorge, et le fier nom de Yellow Hand devient un banal OEil de Lynx... de même que Boston ou Sheridan ne sont pas prononcés à l'américaine ("Bostonne" ou "Sheridane") mais à la française, ces procédés m'ont toujours fait rigoler.
Mis à part ça, le film propose une sorte de biopic de William F. Cody dit Buffalo Bill, mais le scénario n'englobe pas toute la vie de Buffalo Bill, il n'en retient que quelques passages significatifs, l'action étant surtout centrée sur les guerres indiennes et les massacres de bisons pour finir par le fameux spectacle du Wild West Show que Bill a promené dans une tournée mondiale vers la fin de sa vie. On notera aussi que c'est plutôt un portrait grandiose et lyrique du célèbre William Cody, avec une héroïsation flagrante quand on sait que Cody ne fut pas tout à fait propre, ce fut surtout un massacreur de bisons pour le gouvernement, et ceci a eu pour conséquence d'affamer les Indiens ; même ces fameux massacres sont montrés de façon discrète dans le film, et le dialogue montre Cody s'inquiétant de ces conséquences désastreuses. Le héros est donc magnifié parce qu'en 1944, dans ces années de guerre, l'Amérique avait besoin de croire en elle-même et en sa force, en valorisant des héros. On s'est donc inspiré des écrits de Ned Buntline, le journaliste qui fit de Cody un héros populaire en faisant naître la légende de Buffalo Bill à travers les récits de ses exploits, fussent-ils faux.
Paradoxalement, les Indiens sont montrés ici moins comme des sauvages, il y a un évident côté pro-Indien, car Buffalo Bill fut aussi ami de certaines tribus, et d'ailleurs on le voit autant tuer des Indiens durant ces guerres indiennes, que plaider leur cause devant le Sénat, ce qui lui mit toute la classe politique à dos, d'où sa fin de vie vouée au spectacle qui a quand même contribué à mieux faire connaître le Far West aux gens de l'Est du pays.
Si on admet toutes ces réserves, le film de Wellman reste un western flamboyant et vigoureux, avec de somptueux paysages mis en valeur par le Technicolor acidulé de l'époque et la photo de Leon Shamroy, ainsi que des scènes d'action bien réalisées telle la bataille de Warbonnet Creek, et un très beau casting avec un Joël McCrea superbe qui s'est fait la tête du personnage ; son interprétation sobre est un grand atout, et il est bien secondé par Maureen O'Hara d'une éclatante beauté, Thomas Mitchell qui campe le journaliste Ned Buntline, le jeune et athlétique Anthony Quinn incarnant un fier Yellow Hand (il était dans sa période de rôles indiens), ainsi que Linda Darnell très jeune qui est superbe en squaw évoluée, et Edgar Buchanan en vieux sergent pittoresque. Un western qui déforme l'Histoire pour mieux la réinterpréter, et qui sur le plan technique et narratif, fait partie des chefs-d'oeuvre du genre.