L'un des films que j'ai le plus revus (au moins 7 fois). Pour l'incroyable fertilité de ses dialogues, d'abord. Mélange d'absurde, d'aphorismes philosophiques, de burlesque pur. Un film éminemment politique qui peut se lire aussi comme un délire purement comique.
Une fois encore, la clé est le double-niveau d'accessibilité. Encore faut-il être sensible au non-sens. Les rationnels purs vont détester, et c'est ce qui fait l'empreinte des grands films : un parti-pris fort + résonance sociétale + talent d'écriture et de tournage. Ici, aucune facilité de réalisation, au contraire. Le film tient sur les dialogues, le cadre est totalement repoussoir, mais c'est évidemment calculé.
Nous sommes dans une société solitaire, vide de relations sociales, vide de travail et d'amour. Seule la violence et la défiance tournent en boucle pour faire de nous des paranoïaques, dont l'imagination est auto-réalisatrice : comme un cauchemar, dont le film reproduit le schéma. Aussitôt évoqué, le risque se matérialise. Une drôle de critique de nos sociétés urbaines, solitaires, égoïstes et névrosées. A replacer dans l'urbanisation galopantes des 70', vous savez, ces barres qu'on détruit aujourd'hui...
Ce cauchemar nous pose plein de questions, pour peu qu'on y prête attention : la violence non dite d'une société excluante, d'un chômage galopant, de la vacuité cognitive de notre société de consommation vaine... bref, une critique sociale acerbe et furibonde, l'air de rien : c'est le génie de laisser chacun faire son chemin, sans bouée. ça fait baliser, mais le rire omniprésent est l'huile des rouages de ce conte social et philosophique. Chef-d'oeuvre (pour moi).