Sorti en 1976 , Bugsy Malone est le tout premier film du britannique Alan Parker qui compte parmi mes réalisateurs préférés. Bugsy Malone est une pure histoire de gangsters qui se déroule durant les années 20 sur fond de prohibition, de guerre des gangs, de cabarets de jazz avec une petite particularité qui est que la moyenne d'âge du casting est de douze ans.
Nous sommes donc dans le New-York des années 20 et Bugsy Malone, un petit gars débrouillard, se retrouve impliqué dans une guerre sans merci entre Fat Sam un gangster à l'ancienne qui tient l'un des plus fameux tripot de la ville et Dan Le Dandy une nouvelle race de gangster aristocratique qui souhaite prendre le pouvoir grâce à ses hommes de mains qui possèdent l'avantage d'avoir une redoutable nouvelle arme leur assurant une évidente supériorité.
Bugsy Malone est une petite merveille qui parvient à faire naître un formidable feel good movie de l'osmose assez miraculeuse entre le film de gangsters, la comédie musicale et la noblesse de l'esprit parodique. Car si dans le film les balles sont remplacées par de la crème avec des sulfateuses à chantilly, que l'intégralité du casting est composé de gamins et que les voitures sont à pédales il n'empêche que Alan Parker nous livre un film dont l'intrigue reste celle d'un vrai film de gangsters, certes décalé, mais totalement premier degré. On s'amusera donc de ces gosses copieusement sulfatés à la crème mais le réalisateur orchestre ses scènes comme de véritables règlements de compte et des exécutions sommaires digne des films noirs de l'époque. La violence se retrouve à la fois totalement décomplexé et inoffensive tout en restant bel et bien présente car hormis lors du grand final les impacts de crème sont l'équivalent d'un impact de balles et sonnent par extension le trépas du personnage. Bugsy Malone parodie l'esprit des films noirs des années 30 mais de la meilleure des manières qui soit, c'est à dire avec décalage, humour et référence en ne se moquant jamais de ses illustres modèles mais en s'amusant avec amour de l'esprit qui les traversait. L'ambiance visuelle du film est formidable tant au niveau des décors que des costumes et au contraire d'infantiliser ses personnages pour coller à sa géniale idée de casting, Alan Parker fait jouer à tous les gamins des rôles d'adultes qu'ils soient tueur à gage, truand, mafioso, policier, journaliste, artiste de cabaret ou même danseuse un peu allumeuse sur les bords. Coups tordus, exécutions, triangle amoureux, poursuite en bagnole, attaques de l'ennemie, ambiance mafieuse, descente armée et prohibition sont bel et bien les ingrédients d'un film de gosses.
Bugsy Malone est aussi une sympathique comédie musicale à l'ambiance jazzy dont Paul Williams (Phantom of the Paradise) signe les musiques et chansons. On pourra regretter que certaines chorégraphies ne soient pas tout à fait à la hauteur et que surtout la quasi intégralité des gosses soient doublés par des adultes lorsqu'ils chantent mais dans l'ensemble l'aspect musical fonctionne en parfaite harmonie avec l'ambiance cabaret du film. Certains titre sont même des petites merveilles comme Bugsy Malone, Tomorrow, My Name Is Tallulah, Ordinary Fool ou le joyeusement grisant titre final You Give a Little Love. Au niveau du casting dans les rôles principaux seuls Scott Baio (Happy Days) et Jodie Foster feront carrière au delà du film ce qui n'empêche pas l'immense majorité des gamins d'être formidable comme Martin Levin formidable en dandy du crime, John Cassidy plutôt drôle en parrain obèse d'origine italienne et Florie Dugger touchante en Blousey Brown petite chanteuse se rêvant star hollywoodienne. Il faut aussi noter la toute première apparition de Dexter Fletcher alors âgé de dix ans qui incarne Baby Face, une sorte de petit Gibus de cette guerre des boutons version gangsters. Le film marque également la première collaboration entre Alan Parker et son directeur de la photographie Michael Seresin qui travailleront ensemble sur l'immense majorité des futurs films du réalisateur.
Bugsy Malone est une petite merveille de cinéma qui célèbre l'aspect ludique du cinéma, celui qui proche de l'enfance permet de jouer au gendarmes et aux voleurs, à la guerre ou encore aux cowboys et aux indiens. Alan Parker pousse avec malice le concept jusqu'au bout pour nous livrer un film aussi réjouissant qu'une tarte à la crème balancée à la face d'Al Capone.