Arturo Ui était un Al Capone nazi vendeur de choux-fleurs à Chicago ; voici venir Bugsy Malone qui entend revisiter à la manière d’une parodie le film noir américain : tous ses personnages – des mafieux aux danseuses et chanteuses de cabaret – sont interprétés par des acteurs enfants, les voitures sont des vélos augmentés, les pistolets et mitraillettes projettent de la crème à gâteau, et ça chante et ça chante et ça chante. Passées les deux premières minutes plutôt amusantes puisqu’elles nous immergent dans un monde inversé et au parodique prometteur, se met en place une mécanique du détournement burlesque rapidement lassante et prévisible qui – et c’est là sa plus grande fragilité – ne dit rien du genre qu’elle investit, sinon que les gangsters sont tous de grands enfants ayant troqué leurs jouets pour des armes à feu.
Or, la parodie sans politique ne vaut rien, ou si peu. Alan Parker réussit un pari esthétique en déguisant des enfants en adultes, mais ne transcende jamais son idée de base pour l’amener vers quelque chose d’intéressant du point de vue de la réflexion sur la mafia ou sur l’enfance. Il plonge donc son petit personnel dramatique dans un cadre qu’il ne cherche pas à creuser ni à dynamiter de l’intérieur afin d’exhiber, par exemple, les coulisses du pouvoir. C’est de l’adulte plaqué sur de l’enfant, c’est réjouissant mais c’est tout. La scène de course-poursuite en pleine forêt perd ainsi de son potentiel comique dans la mesure où Parker refuse de faire évoluer sa manière de regarder ses personnages : le réalisateur ne semble avoir à proposer que ce renversement de perspectives, de l’adulte à l’enfant, et le répète ad nauseam, entrecoupé de chansons.
Alors les plus cinéphiles des spectateurs se délecteront peut-être des références faites à de grandes œuvres ayant marqué l’histoire du cinéma, et en particulier du film noir ; d’autant que l’ambiance propre au genre est parfaitement reconstituée, servie par une mise en scène (un peu trop) soignée qui veut en mettre plein la vue. Mais reste à terme un goût d’inachevé, comme si ce que nous venions de voir n’était finalement qu’une petite parodie gentillette se réjouissant à ce point de son postulat initial qu’elle se contentât de l’appliquer jusqu’à plus soif. Quelques réussites locales sauvent la mise et réveillent l’intérêt du spectateur : les séquences chantées divertissent, et la bataille de tartes à la crème générale réjouit.
Bugsy Malone, petite curiosité inoffensive.