Wow, wow, wow. Avec Matthias Schoenaerts, on est totalement au-dessus de la mêlée. Je comptais mettre 8, pour l'ensemble du film, mais je crois qu'à un moment donné, il faut tout de même féliciter (et noter en conséquence) le jeu d'acteur absolument exceptionnel dans un film. La meilleure prestation (que j'ai pu voir) de Matthias Schoenaerts à ce jour, la plus complète, la plus touchante et la plus immersive. Cet acteur, en plus de camper des rôles très différents de film en film, EST son personnage. Une leçon d'acteur dont tout le monde devrait s'inspirer, tant la manière viscérale d'aborder son personnage se lit partout.
Il est la tête de boeuf. Il est le gamin qui a vécu un truc horrible. Il est le mec qui prend de la testostérone "bovine". Il est détruit et même pas façonné, une espèce nouvelle, unique, qui n'a grandi qu'à la force du temps. Ca se voit à l'écran, ça se ressent, sur son visage, dans son attitude, dans son phrasé, dans les rebondissements du film. Il est ingérable, pour lui comme pour les autres. Tout est question de retour à la nature (par divers plans magnifiques), de misanthropie, de confiance sabordée, d'instinct (animal), de musiques assommantes, de silences, de famille, des femmes aussi, dont le complexe d'infériorité se fait ressentir à chaque fois. La caméra se déplace lentement, prend le soin de ne jamais brusquer les choses, fixe une apathie extraordinaire qui paralyse l'esprit des gens qui l'entourent comme le notre. La méfiance est partout, tout le temps.
Bullhead est immensément dur dès lors du flashback, lorsque l'on connait enfin l'histoire de ce personnage et le moment fatidique où tout bascule, où aucun son ne sort plus de sa bouche, où sa vie d'enfant est morte et, c'est assez rare au cinéma pour être souligné (on a souvent le portrait d'une enfance déchue, pas d'une vie entière déchue), sa vie d'adulte aussi. A partir de ce moment précis, où l'acte en lui-même est quasiment dévoilé (en tout cas, amené jusqu'à l'instant t), tout change. La perception du spectateur comme la compréhension que l'on a de ses réactions depuis le début. Le spectateur est complice du sujet, comme peut l'être son ami au moments des faits. Un ami qui, par ailleurs, sera traité de manière intelligente, pudique, sans jugement, la relation entre les deux personnages est profonde, organique, fardée des reflets d'une amitié devenue fantôme.
Il y a des acteurs qui portent un film. Qui écrasent tout. Les amateurs d'humour noir diront Cotillard dans De Rouille et d'os, mal à propos, mais je ne trouve pas ça très drôle. Matthias Schoenaerts est incroyable. Une bête enragée dont on a peur, mais qui nous attendrit, souvent.