Trash et sans concessions Bully s'inscrit logiquement dans la continuité de Kids et de Another Day in Paradise, dépeignant une jeunesse en totale perdition et dépourvue de repères moraux. En partant d'un fait divers ayant bouleversé l'Amérique des années 90 ( le meurtre prémédité d'un adolescent par ses pairs ) Larry Clark livre là un drame sordide et percutant, certes assez éloigné de l'urgence filmique du chef d'oeuvre Kids car davantage scénarisé et traditionnel dans son déroulement mais tout aussi implacable dans son réalisme social.
Formidablement interprété par ses comédiens et ses comédiennes Bully nous plonge dans l'élaboration inconsciente du meurtre de Bobby Kent ( Nick Stahl, fascinant ), adolescent pervers persécutant son meilleur ami Marty pour mieux imposer son ascendance sociale. Entre ambiguïtés sexuelles, sévices et complicité équivoque la relation fusionnelle liant Bobby à Marty amènera la petite amie de ce dernier à rassembler toute une bande d'adolescents pour venger ledit souffre-douleur...
Il est frappant de constater au regard du film que ces kids en viennent à commettre l'irréparable pratiquement pour tromper l'ennui, à l'image de cette séquence dans laquelle Derek et Donny tuent le temps en "fatalisant" un personnage de jeux d'arcade. Sans discernement ni limites les jeunes meurtriers de Bully font de leur quotidien un immense vide uniquement comblé par la consommation de drogues, de sexe et de méchancetés gratuites. Si la conception du meurtre et ses préparatifs hasardeux nous sont montrés sous un angle à la fois anodin et totalement grotesque ( car littéralement fondus dans les occupations oisives des adolescents : fumette, sexe, discussions inconséquentes...) l'assassinat de Bobby est quant à lui présenté avec une froideur et une brutalité saisissantes par le cinéaste, amenant par la même occasion le groupe de tueurs à prendre conscience de leur acte - sans pour autant l'assumer.
Bully reste un film particulièrement efficace dans son déroulement, dont les vingt dernières minutes montrent avec un réalisme sinistre et glaçant l'absence de remords de ces jeunes pourtant réactifs aux retombées de leur crime. La coda narrative, présentant les sentences réelles de chaque adolescent concerné, finit de rendre cette fiction proprement choquante et accablante. Un très bon film.