En 1930 à Paris, Luis Buñuel se fait démonter après la projection de son film "Le chien Andalou". Film authentiquement surréaliste et provocateur, ça ne passe pas auprès, notamment, de la Ligue des patriotes et la Ligue anti-juive qui saccage la salle de cinéma parisien où le film est projeté.
Pour la petite histoire, il faudra attendre 1980 pour que la version non censurée du film soit autorisée à la projection.
En attendant, Buñuel est sans ressources pour envisager de nouveaux projets. C'est son ami Ramón Acín, après avoir providentiellement gagné à la loterie, qui lui proposera de financer un moyen métrage documentaire.
C'est ce que raconte le film "Buñuel in the labyrinth of the turtles", coproduction espagnole et hollandaise, réalisé par Salvador Simo.
Les toits de misérables demeures de la région de "Las Hurdes" ressemble en effet à des carapaces de tortues. Dans ces quelques rues labyrinthiques, théâtre du documentaire (traduit en français sous l'appellation "Terres sans pain"), vivent les habitants les plus démunis d'une des régions les plus pauvres d'Espagne.
On découvre un Luis Buñuel, poursuivi par l'influence pesante de son mentor Salvador Dali, accompagné par une petite équipe et son producteur, mettre en scène à sa manière la vie des habitants. N'hésitant pas, pour forcer la provocation et l'attention, à demander la décapitation d'un coq ou encore d'abattre une chèvre pour "forcer le réalisme".
Réalisé en 2D, avec un zeste de 3D, le film garde une facture classique et linéaire dans sa narration, entre le documentaire, le biopic localisé sur une petite période de la vie du réalisateur et un zeste de fiction pour illustrer sa relation ambiguë avec Dali et le surréalisme, le tout emporté par la très belle musique d'Arturo Cardelús.
La sensation de voir un presque documentaire sur le documentaire est renforcée par l'ajout des vraies images de Buñuel, incrustées dans les scènes de tournage.
Quelques peu dérangeant, touchant par moments et sans nous ennuyer une seconde, "Buñuel in the labyrinth of the turtles" est un document intéressant à découvrir pour tout(e)s les amateur(e)s du réalisateur. Une pièce supplémentaire dans la biographie d'un artiste de grande valeur à la carrière cinématographique riche et atypique.