Buñuel après l’Âge d’or
6.6
Buñuel après l’Âge d’or

Long-métrage d'animation de Salvador Simó (2019)

BUÑUEL APRÈS L'ÂGE D'OR (15,4) (Salvador Simó, ESP, 2018, 80min) :


Cet original projet cinématographique propose un élégant documentaire d'animation en forme de portrait sans concession du cinéaste Luis Buñuel, à travers une sorte de making-of reconstitué lors du tournage du court métrage : Terre sans pain (1933).


Salvador Simó livre une passionnante reconstitution à partir de l'échec du subversif L'âge d'or (1930) (jugé anticlérical et antibourgeois) qui a valu au cinéaste de se retrouver sans argent et déprimé, jusqu'à ce que la bonne fortune revienne vers lui par le biais d'un billet de loto gagnant offert par son ami sculpteur Ramón Acin. Grâce à cette solde venue du ciel le réalisateur va entreprendre l'adaptation d'une thèse ethnographique Las Jurdes : étude de géographie humaine rédigée par Maurice Legendre en 1927, en allant filmer le monde rural dans la région montagneuse des Hurdes (région de l'Estrémadure en Espagne), pour y montrer la misère et la dureté quotidienne de ces paysans. Le cinéaste Salvador Simó s'appuie sur le roman graphique de Fermin Solis : Buñuel dans le labyrinthe des tortues (2011), pour dévoiler un captivant récit méconnu, à travers des saynètes de tournage du documentaire où l'on voit les nombreux doutes créatifs de l'artiste Luis Buñuel, accompagné par ses trois amis Ramón Acin, le photographe Eric Lotar qui filme les plans et le poète Pierre Unik.


Ces tourments psychologiques se déclinent visuellement entre ses aspirations anthropologiques sincères polluées cérébralement par ses désirs de provocations "surréalistes" mises en scènes (décapitation de coqs, chute de chèvre, abeilles sur l'âne..) pour choquer, et sa difficulté de se détacher du mentor Salvador Dali, et de l'encombrant fantôme de son père autoritaire et sans tendresse envers lui lors de cauchemars récurrents. Comme la fluidité aléatoire de la pensée de Luis Buñuel (parfois créateur de génie ou être humain blessant), la fluidité graphique de ce pertinent long métrage peine parfois. Mais l'ensemble des tableaux, entrecoupé par de vraies scènes tirées du film en train de se faire sous nos yeux séduisent régulièrement nos rétines. Salvador Simó apporte un éclairage pédagogique émouvant sur la personnalité du metteur en scène à un tournant important de sa carrière et propose une esthétique plongée convaincante dans l'histoire du cinéma. Une œuvre cinéphile réflexif sur le surréalisme en prise avec le réel, dont la simplicité du dessin et la splendide bande musicale originale composée par Arturo Cardelus apportent aux spectateurs une mélancolie qui fait vibrer nos cœurs.


Ne vous faite pas prier, faites honneur en salles à ce superbe hommage qui donne également envie de revoir Terre sans pain et toute la remarquable filmographie du plus grand cinéaste espagnol. Exigeant. Poétique. Captivant. Nostalgique.

seb2046
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le 24 juin 2019

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