"Burn After Reading" des frères Coen : brochette d'acteurs sauce sarcasme
Après une parenthèse un peu sombre avec No Country for Old Men, les frères Coen retrouvent une lignée plus proche de Fargo. Burn After Reading allie en effet thriller invraisemblable et comédie bizarroïde. A partir d'une intrigue ténue, les réalisateurs tissent un film aux ressorts parodiques évidents. Le « casting de choc » qu'ils ont réuni prend incontestablement un plaisir bien visible à jouer les idiots pour les deux frères talentueux. C'est un beau cadeau fait au spectateur, qui partage sans faire la fine bouche le ravissement des acteurs (George Clooney, Brad Pitt, Tilda Swinton, John Malkovich, Frances McDormand...). Il y a de quoi se divertir en grandes pompes.
Des personnages hauts en couleur
Le scénario est volontairement farfelu. Osborne Cox (J.Malkovich), agent déchu de la CIA, un peu (beaucoup) déjanté, sombre dans l'alcoolisme et décide d'écrire ses mémoires, avec pour intention de faire des révélations saisissantes sur certains membres de la CIA et le fonctionnement de celle-ci. Sa femme Katie (T.Swinton), odieuse, se moque ouvertement des préoccupations de son époux et entretient une relation avec Harry Pfarrer (G.Clooney), un homme marié, Casanova ringard qui accumule bon nombre de relations extraconjugales. Entrent également en jeu deux coachs travaillant dans un club de gym : Linda (F.McDormand), quinquagénaire obsédée par son hypothétique opération de chirurgie esthétique qu'elle ne parvient pas à financer, et Chad (B.Pitt), un écervelé au look d'ado, toujours branché sur son walkman. L'intrigue ne démarre vraiment que lorsque ces deux coachs sportifs, bientôt transformés en espions ratés, tombent sur un CD-Rom, égaré une employée de l'agence de conseil en divorce que consulte la femme d'Osborne Cox. Le CD contient notamment les données confidentielles que ce dernier a récolté pendant ses années en tant qu'analyste à la CIA. Les deux espions amateurs vont alors tenter d'exploiter cette aubaine, entraînant ainsi des rebondissements aussi grotesques que délirants, et une série de rencontres incongrues, qui les mèneront jusqu'à l'ambassade russe, où ils comptent bien monnayer leurs informations.
Une farce inaboutie ?
Sarcasmes, humour noir et traits burlesques ponctuent le récit, qui oscille sans cesse entre parodie de film d'espionnage, comédie caustique et véritable thriller. Cette hésitation perpétuelle des frères Coen met finalement mal à l'aise : soit ils sont allés trop loin, soit pas assez, dans l'absurde et la parodie. Au regard du plaisir que l'on prend à la vision de certaines scènes anecdotiques et grotesques, qui sont véritablement truculentes (Malkovich marchant sur le quai en caleçon, armé d'une hache ; Clooney qui trimballe partout son espèce de coussin...), on a tendance à penser qu'ils auraient probablement eu intérêt à faire du ridicule et du dérisoire la colonne vertébrale de leur film. Ne versant pas totalement de ce côté, leur scénario paraît donc inabouti, et manque finalement de souffle. Mais l'objectif n'est clairement pas là : les personnages prennent le pas sur l'intrigue, le rythme du montage sur la narration, l'exercice de style sur le contenu. Il faut reconnaître que, de ce point de vue, le film est une réussite. Aux vues de l'expérience et de la maîtrise des frères Coen, il aurait été toutefois surprenant qu'il en fût autrement.