Faisant très souvent penser à L'Avventura et au Blow Up d'Antonioni, dans le déroulé narratif des évènements, et bien sûr lorsque le twist majeur survient, le film de Lee Chang-dong est évidemment déroutant. Burning évoque la lutte des classes, entre le paysan qui a tout perdu et le riche qui a tout pour lui, qui ne recherche plus rien mais qui, quand même ne ressent pas pour autant les choses. Son plaisir, dit-il, faire brûler des serres. Autrement dit, réduire à néant ce qui semble inutile, n'étant pas assez cultivé.


Le personnage de Jong-Soo reste profondément marqué par la disparition de sa mère, son père lui ayant obligé de faire brûler ses vêtements. Il n'a plus de modèle paternel, ce dernier allant devoir purger sa peine, et sa mère reste dans son esprit, il ne peut s'en détacher. Quant à sa sœur, il ne l'a pas revu. Hae-Mi, elle, est cette enfant perdue que Jong-Soo a sauvé du puits, l'a recueilli et a voulu aimer. Burning est une énigme autour de ses personnages, et comme pour Blow Up, il ne s'agit pas tant de déceler la vérité sur ce qu'il s'est passé, mais plutôt de comprendre chaque individu, de l'observer se comporter et de tenter d'en déduire des hypothèses.


Lorsque Jong-Soo revoit sa mère, il se rend compte qu'elle ne lui rend visite que parce qu'elle est endettée. Voilà alors les dégâts d'une société encore ancrée dans le libéralisme environnant en Corée du Sud et issu des Etats-Unis, tel que le rappelleront les riches lors de la soirée organisée par Ben. Ainsi est retirée, détruite la capacité de ressentir, de pleurer et de porter attention à l'autre. Il décide de l'oublier de sa mémoire, à l'image de la Vache récupérée aux alentours, dont il n'a plus la force de s'occuper.


Ben, lui, ne vit ainsi que pour ce que les autres peuvent lui apporter comme jouissance, il n'est pas là pour aimer Hae-Mi, il est là pour l'utiliser comme un objet, quitte à la faire volatiliser ensuite, un objet comme un chat ou une montre, qui lui plaira sur le coup et qu'il rejettera ensuite. Jong-Soo aime Hae-Mi, comme il porte attention au chat et au souvenir. Il ne peut pas oublier Hae-Mi, il doit la retrouver, mais tristement, il ne peut pas. Lui accorde-t-on la possibilité de la revoir, de la retrouver ? Non, ici il est question de voyages à l'étranger, de fêtes, et bien sûr du matériel, il ne s'agit plus que de vivre de plaisirs instantanés et voués à être détruits par la suite.


Alors, le couple formé par les deux personnages est tout sauf superficiel, il était authentique, avant que Ben ne survienne. Et qu'il rappelle à la pauvre jeune fille, qu'elle n'était rien, la laissant se faire ridiculiser lors d'une fête, rigolant de la voir pleurer. Ben l'a détruite, et a réduit à néant ce qui allait pouvoir se cultiver, il l'a écrasée. Le personnage principal continue de croire en l'invisible, il est l'écrivain. Il essaye de comprendre le monde, comme il le rappelle. A contrario, il n'y a plus de mystères pour Ben, il est blasé par cette réalité, et "joue" ainsi de toutes ses faiblesses pour s'amuser.


Burning, c'est un récit sur la destruction même d'une simple personne. Une destruction de ce qui peut se construire ou se reconstruire, et alors, l'impossibilité à nouer une relation stable avec son prochain. Parce que la société est réglée par des Gatsby, et qu'ils dirigent ce monde, restant les seuls à pouvoir parvenir à leurs fins. La fiction écrite par Jong-Soo n'est pas plus optimiste, le riche poussera le paysan à se venger, la victime devenant alors le tueur. Il croira ainsi avoir fait justice, quitte à devenir méconnaissable.


Critique rédigée en 2021.

William-Carlier
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le 30 oct. 2021

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