Le maître du haut chaos
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le 23 sept. 2022
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Tout droit sorti des cartons Netflix, Athena s’apparente au film de banlieue comme pouvait l’être BAC Nord l’année dernière. Alors que le soldat Abdel peine à se remettre de la mort de son frère, c’est son autre frangin qui décide de prendre sa revanche contre la police. Il semblerait en effet que ce soit le résultat d’une intervention de police, ayant dégénérée, ce qui n’est pas sans mettre en fureur les émotions d’une jeunesse décidément barbarisée. Barbarisé est un adjectif qui pourrait caractériser les personnages de ce film, qui, on le verra, ont tous l’air d’azimuts, ou animaux sauvages…
Premier problème pour Romain Gavras, un film de guerre ne s’écrit pas sans y poser un contexte social et politique. Athena ne fonctionne pas en tant que long-métrage, principalement parce que la guerre urbaine est celle d’une fiction, exagérant tous les poncifs du film de banlieue tout en cultivant les clichés sur les individus au sein des cités. La représentation par le biais du plan-séquence pouvait être intéressante, et elle est effectivement réussie techniquement, mais participe à rendre l’état d’une cité en désordre en ville assiégée de toute parts, de façon extrême. Il est plutôt curieux de disséminer les images des médias à la télévision, l’image d’un drapeau français en feu, lorsque la représentation est à ce point à côté de la plaque.
S’il n’était pas question d’aller à l’encontre de la police pour le groupe de banlieusards, le film pourrait représenter le conflit tant attendu par le partie Reconquête d’Eric Zemmour, c’est dire l’absence de toute mesure de la part du réalisateur. En réalité, ce problème était déjà retrouvé au sein du film BAC Nord, les personnages se résumant à des archétypes dont les motivations sont peu compréhensibles. Il en est le cas ici, un jeune décidant alors même qu’il ne dispose pas d’une quelconque information d’entamer une guerre urbaine contre la police. Si encore l’acteur jouait très convenablement (non), cela pourrait participer à la dramatisation du personnage au lieu de le rendre abruti et sauvage, mais ce n’est pas le cas. On ne reviendra pas sur le changement psychologique du personnage principal dans la dernière partie du film, qui ne fait aucun sens.
Pas de naturalisme ici, tout y est vulgaire, et il est simplement évident que la Haine (1995) décrivait le quotidien de banlieue d’une manière bien plus sincère et juste. En l’état, il n’est pas évident d’être en empathie avec ces personnages, qui ne pensent jamais, que l’on ne fait jamais penser, et qui se réduisent à des figurines que l’on déplace sur un échiquier vide de sens. Sur le fond, le film peut s’apparenter à la gauche comme nous le dira l’extrême-droite, mais le sentiment de haine envers ces personnages est le principal qui en ressort. Parce que la violence n’est à aucun moment explicitée, comprise par nous, spectateurs. Problématique.
Au fond, Athena ressemble au film bien calibré pour agir en révolte contre une institution qui serait à la dérive, cette police qui n’aurait jamais agi pour ses concitoyens. Il n’y a pas grand-chose à en tirer d’autre, même sur ce point, Gavras ne parvient pas à rendre cela impactant. La technique dira-t-on est plutôt impressionnante, l’exercice de style fonctionne par la mise en scène virevoltée qui participe à l’immersion dans le conflit. Mais cela est à peu près tout, la photographie n’est pas particulièrement jolie, et les confrontations assez attendues.
On regarde le dernier film Netflix comme un téléfilm incohérent, bien produit et divertissant. Simplement, on peut se demander comment il est possible de grossir les traits d’un récit à ce point, à moins que le scénariste n’ait pas grand-chose à raconter. Je penche sincèrement sur la deuxième option, et je me rends au constat suivant : brancher une musique épique sur une scène d’action enflammée ne suffit pas à justifier une métaphore antique.
Les grecs réfléchissaient au combat, ce n’est visiblement pas le cas du réalisateur.
A retrouver ici : https://cestquoilecinema.fr/critique-athena-laction-cest-bien-la-reflexion-cest-mieux/
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Créée
le 26 sept. 2022
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