J'avais vu Burning en salle, avec l'impression d'être un peu passé à côté, puisqu'on me le vendait comme un grand film et que mon avis était bien plus mitigé. Il était intéressant de le revoir, car c'est, il est vrai, un film plus intéressant que dans mon souvenir. Peut-être n'étais-je pas d'humeur, ou bien j'avais été gêné par les pistes que Lee Chang-Dong sème et semble ne pas suivre, je ne sais pas.
Première remarque, Burning est lent, très lent. Les adeptes de récits calibrés menés tambour battant peuvent aussi bien s'abstenir. Mais justement, prenant le temps pour se développer, et axé sur l'imaginaire, il offre ses moments de poésie. Rappelons que Lee Chang-Dong est également le réalisateur de l'intéressant Poetry. Ainsi, lors du premier rendez-vous entre Jong-Soo et Hae-Mi, celle-ci pèle-t-elle une mandarine imaginaire. Tu dois oublier que la mandarine n'existe pas, dit-elle, avant de demander à Jong-Soo de venir nourrir un chat qu'il ne verra pas plus que la mandarine, bien que l'appartement soit si petit. Petit et sombre, avec un fugace rayon de soleil qu'on peut apercevoir, si on a de la chance, reflété par une tour voisine. Belle idée.
Il y a également une très belle scène, avec Hae-Mi dansant seins nus dans le crépuscule sur une musique de Miles Davis, séquence presque onirique qui rappelle que Lee Chang-Dong adapte Haruki Murakami, grand amateur de jazz. Scène qui semblera déclencher la seconde partie de l'histoire, où Jong-Soo va surveiller les serres en plastique à côté de chez lui, après que l'inquiétant Ben lui ait parlé de son passe-temps consistant à les brûler. Mais là encore, il ne faut pas prendre les choses au pied de la lettre. Si le film semble suivre désormais les rails du thriller, tout contemplatif qu'il soit, c'est plus ou moins une fausse piste. Lee Chang-Dong orchestre plutôt une présentation des rapports de classe qui n'est pas sans lien avec le plébiscité Parasite.
Mais si les apparences sont en place, la parole se charge de les nuancer : c'est le campagnard Jong-Soo qui lit Faulkner et se rêve écrivain. Cependant, il lui reste à vivre pour arriver à un tel résultat, et à se faire acteur de sa propre histoire, lui qui semblait jusqu'ici porté par les événements. Ben, de son côté, prisonnier de son aspiration ennuyée au simple amusement, est condamné à rester éternel dilettante. Lire Faulkner n'y changera rien. Dès lors, son besoin toujours plus grand de divertissement ne le porte-t-il pas vers les plus grandes extrémités?
Le feu promis par le titre n'est que métaphorique, et ce n'est que dans un rêve impressionnant qu'il s'épanouit pleinement. Une chose est sûre, ce ne sont pas vraiment les granges qui se consument dans Burning.