Cela commence comme un I vitelloni français, avec deux jeunes qui semblent déterminés à secouer leur ennui de toutes les manières possibles, deux jeunes détestables, pitoyables. Et puis, cela dévie, de plus en plus. D'abord à cause de la relation entre les deux personnages : Maurice Ronet est riche, il peut donc brimer Alain Delon et ne s'en prive pas, peut-être pour se faire valoir auprès de Marie Laforet, sa copine. Mais Delon accepte tout, car il vénère Maurice Ronet, qui l'a sauvé lorsqu'il a manqué ce noyer, dans leur jeunesse. Et puis, deuxième écart, en fait il s'avère qu'ils ne sont pas copains d'enfance, qu'ils se connaissent à peine, et là le film prend un virage aussi surprenant que dérangeant.
Alain Delon, sa gestuelle, ses regards, Alain Delon fascine immédiatement. Il faut le voir, par exemple, essayer les fringues de son ami, première fêlure entre les deux. Son regard froid et ne révélant pas d'état d'âme fait merveille. Bien que le personnage soit peu sympathique en lui-même, on ne peut s'empêcher d'en éprouver un peu, à cause du côté détestable de Maurice Ronet bien sûr, mais aussi parce qu'Alain Delon réussit à faire passer, sans parole, sa joie presque enfantine de se retrouver, enfin, du côté des nantis. Une carrière était lancée.
Mais surtout, c'est dans le temps qu'il prend que le film séduit pleinement. Sans cette formidable ouverture, il n'aurait pas été possible de s'impliquer autant pour les personnages. Plein soleil s'avère, en plus d'un thriller réussi, un film généreux dans sa volonté de raconter les personnages. Se renouvelant toujours, il ne lâche pas le spectateur un moment. Voilà un film français qui va concurrencer le thriller américain sur son propre terrain, en adaptant Patricia Highsmith, et qui réussit son pari haut la main.