Il y a de fortes chances que vous ne connaissiez pas le nom de Sogo Ishii, mais pourtant vous avez certainement déjà été face à son influence. Si je vous dis Akira de Katsuhiro Ôtomo ? Si je vous dis Tetsuo de Shinya Tsukamoto ? Car Burst City, c'est ça. Des motos qui foncent à toute berzingue, des punks hargneux, le goût de l'anarchie, l'envie de tout faire sauter, le fétiche du métal, l'électricité, les marginaux, les ecstas, les concerts qui se transforment en bastons qui se transforment en concerts. Le cinéma de Sogo Ishii concentre tout ce pan de la culture japonaise underground, dans la version la plus teigneuse qui soit.
Car en plus d'être punk, Sogo Ishii est aussi un musicien. D'ailleurs les premières représentations de ce film étaient accompagnées de son groupe de musique, Mach 1.67 (merci @Ryo_Saeba), un peu à la manière des films muets en fait. Ce n'est donc pas pour rien que Burst City propose de suivre l'histoire de groupes de punk rock se battant avec les forces de l'ordre. Ces cris, cette énergie bouillonnante, elle vit en lui. Et surtout elle résonne dans son talent de cinéaste sans-le-sou.
Impossible de ne pas s'ébahir d'admiration devant la beauté sidérante du long-métrage. Chaque plan semble animé de la même vivacité, d'une froide logique esthétique. Sogo Ishii multiplie les expérimentations, passe au noir et blanc sans prévenir, réalise des perspectives transcendantes ou des incroyables plans filmés sur une moto lancée à une vitesse folle, sur lesquels la lumière des lampadaires a à peine le temps de s'imprimer. La caméra est sans cesse ballotée dans tous les sens, que ce soit lors des innombrables bastons du film, ou lors des concerts. Là, il fait danser son objectif avec hargne offrant des plans homériques et éphémères, quand il ne va pas tout simplement danser avec la foule, caméra au poing.
Burst City est d'une fulgurance de toutes les secondes. Son montage nerveux et hargneux est d'une beauté à toute épreuve. Les plans courts et violents s'enchaînent à la vitesse d'une double-pédale et il est parfois difficile de comprendre ce qui se passe exactement. Mais qu'importe, à l'image du reste, la narration même du film est punk. Les évènements ne sont jamais clairs et posés, tout juste comprend-on qui sont les principaux protagonistes et leurs intentions entre une insulte, un coup de poing et un hurlement. Ce sera toutefois le plus gros obstacle pour le spectateur. Éreintant, endiablé, le film ne se laisse pas apprivoiser facilement mais il saura rendre honneur aux plus acharnés. Il faut vivre Burst City comme on vivrait un concert de punk : dans la violence, la sueur et l'émotion.