C’est souvent lorsque j’y trouve quelque chose à laquelle je ne m’attendais pas que j’apprécie un film. En visionnant cette comédie, je n’ai pas beaucoup ri, mais j’ai été agréablement surpris par la manière dont ce film traite des normes de genre et de sexualité, de façon plus profonde qu’il n’y parait.


Dans ce camp de conversion pour jeunes homosexuel·les, les décors kitsch à souhait sont lourds à première vue, mais se révèlent utiles pour mettre en avant l’absurdité du discours de l’institution. Pendant plus d’une heure, cet environnement rose et bleu provoque autant de remontées acides qu’il alimente le message du film : il met en place un cadre oppressant dans lequel chaque individu doit s’insérer et respecter les codes. Il en va de même pour les personnages : l’interprétation du personnage de Megan par Natasha Lyonne, exagérée et caricaturale lors de la première partie du film, met finalement en valeur le développement du personnage et l’importance du sujet traité. On évolue avec Megan et ses questionnements sur sa sexualité, et plus globalement sur son identité.


J’aime ce film car il réussit selon moi à aller au-delà d'un propos simpliste. Si une ode à la liberté d’être soi-même peut sembler un peu élémentaire, la mise en scène la rend selon moi pertinente : hétéro ratée au début (les roulages de pelles apocalyptiques avec son copain sont un délice), Megan veut ensuite essayer de devenir une lesbienne réussie (« comment s’habillent-elles, où est-ce qu’elles habitent ? »). On voit donc que le message porté par les scénaristes est plus profond qu’une critique en surface de l’institution hétérosexuelle : les normes existent partout.


Il y a un certain manichéisme dans l’existence des deux « camps », celui où on apprend à être hétéro et celui qui accueille les jeunes homosexuel·les qui n’ont plus de toit. Je trouve pourtant cette opposition symbolique convaincante, car le message qu'elle porte est intemporel : ne te plie pas à celles et ceux qui veulent te dicter ton comportement, choisis le tien du moment qu’il est respectueux des autres individus (la très rapide scène de dispute-réconciliation de Larry et Lloyd en est un exemple condensé).


Pour illustrer la pertinence du propos de Jamie Babbit, j’ai envie de le rapprocher de Tomboy de Céline Sciamma. Dans ce film, Laure, qui a 10 ans, se présente sous le nom de Mickaël dans son nouveau quartier et se fait identifier comme garçon. Lorsqu’elle le découvre, sa mère, qui semble être une personne progressiste et bienveillante envers ses enfants, pique une colère monstre et la force à sortir en robe dans le quartier. Les normes de genre et de sexualité hétéro ne sont donc pas l’apanage des familles bigotes, elles prennent différentes formes. C’est aussi le cas dans But I’m a Cheerleader : Megan affirme progressivement tous ses désirs, même contradictoires, devant son crush Graham, personnage lesbien qui s’assume et transmet certaines normes homosexuelles. Megan veut aimer les filles, mais aussi le cheerleading, et ne voit pas pourquoi les deux seraient incompatibles à partir du moment où les deux lui procurent du bonheur.


Un petit regret : j’aurais aimé que le personnage de Jan soit plus développé, puisqu’en quelques scènes seulement il interroge la binarité des catégories et des comportements sexuels, illustrés par la prépondérance du bleu et du rose.

Barbothque
7
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le 1 avr. 2020

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Barbothèque

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