Ce genre de thème est si politiquement sensible que la simple perspective de la voir aborder sur un long métrage suscite de grandes attentes, mais aussi de grandes craintes. En traitant des genres et des orientations en mode cliché pour faire rire, on peut facilement devenir lourd et militant (South park flirte souvent avec ce subtil équilibre). Ici, le film ne se révèle pas irréprochable, mais il a la petite excuse de l'âge (South Park, créé 2 ans auparavant, n'avait pas encore exploré le terrain).
Outre un humour variable (allant du gag connoté à la lourdeur ratée en passant souvent par la case « mignon inoffensif »), le film refuse la subtilité (et l'ambiguïté, difficilement dissociable du milieu LGBT) et radicalise considérablement le débat, considérant d’office que la réconciliation est impossible entre les camps (en ressortant les avatars réguliers tels que la famille, la religion, la morale…). C’est notamment le cas pendant l’entrée de Megan dans le camp, où elle est tout simplement forcée de reconnaître son lesbianisme (qu'elle n'a absolument pas développé, et d'ailleurs, il est curieux que tous les hétéros de son entourage la poussent à se reconnaître comme lesbienne alors qu'ils sont visiblement contre cette attitude... Mon avis est que les scénaristes sont homosexuel(le)s et sont tellement obsédés par leur dénonciation de l'hétéro-supprémacie qu'ils concrétisent des absurdités et veulent imposer leur orientation), que le film tient pour acquis par la suite (sur la base d’éléments parfois connotés, parfois volontairement exagérés pour les « orienter » davantage qu’il ne le sont). Un aspect parmi tant d’autres qui limitent la subtilité du film, qui préfère cultiver la caricature (et du militantisme) pour jouer la carte de la comédie adolescente. Néanmoins, le film cherche quand même à illustrer quelques constats sociaux. Les gens mal-à-l'aise sont donc les proches de Megan se considérant comme normaux, qui finissent par aller en thérapie, le problème venant aussi d’eux (d’ailleurs, les prétendues cures psy cherchant à remonter aux causes du problème aboutissent à des souvenirs d’enfance culpabilisant souvent les parents eux-mêmes. Depuis ce film, la science a évoulée sur les origines du phénomène). Par ailleurs, le film raille les homos « repentis » qui conservent leurs tics efféminés et leurs attirances intrinsèques, qui luttent constamment en voyant des tentations dans toutes les activités qu’ils entreprennent (les sports évidemment, la mécanique, les travaux de jardinage, tout est prétexte à laisser ses penchants revenir).
Le contraste des couleurs bleu/rose devient immédiatement agressif et participe à l’ambiance étouffante du camp, et finalement, le film perçoit aussi la stupidité de créer des camps de « redressement pour jeunes gays », tout simplement car le rapprochement de personne de même orientation les encourage à flirter entre eux. Un point de détail sur le cas de Jan, ressorti dans les commentaires de cette critique. Il semble qu'il s'agisse d'une trans-identitaire, qui a choisit l'orientation masculine mais que les moniteurs du camp ont recasé dans une féminité discutable. On touche alors à quelque chose de plus profond (qui se sera pas développé) : la légitimité du rapprochement entre personnes trans et personnes homo dans le package LGBT, qui sont des catégories qui n'ont rien en commun (sinon des "tendances" homosexuelles chez certaines personnes trans). Mais comme il faut caricaturer et délégitimer ces camps de réhétérosexualisation, tout subtilité est évacuée ici, on doit faire rentrer Jan dans une case, et ici celle qui s'oppose le plus physiquement à ses tendances. Les intentions ont beau être gentilles, au final, But I’m a Cheerleader tire un peu sur l’ambulance, jouant beaucoup la caricature et dénonçant finalement des attitudes excessives sur un sujet déjà très exagéré de la réforme d'homosexualité. Et au vu de son optique, il ne se gêne pas pour égratigner les gros symboles traditionnels comme les répétitions vomitives des cérémonies de mariages, d’accouplement aussi. Le résultat est donc assez oubliable bien qu'audacieux pour son époque, bien connoté, et totalement stérile sur le terrain de l'humour, auquel il préfère des convictions bien ancrées dans le milieu LGBT, le seul public qui semble d'ailleurs visé par le film. Bobby seul contre tous ne se permettait pas tant d'insultes envers l’hétéro patriarcat !