Butterfly Vision", est le premier long-métrage d’un jeune réalisateur ukrainien Maskym Nakonechni (parti combattre en mai 2022 au moment où son film concourait pour la Caméra d’Or à Cannes)
Le film revient sur le sort des femmes soldats ukrainiennes capturées par les Russes dans le Donbass en 2014. Le sujet est fort, le scénario bien construit sur le thème des traumatismes de guerre. Le montage est rapide, bien rythmé, sans temps mort, et superbement porté par l’actrice principale, Rita Burkovska. Surnommée Butterfly, Lilia est une jeune femme appartenant aux services de renseignements ukrainiens, en charge de surveillance par drone. Elle est échangée contre des prisonniers russes après avoir été arrêtée et emprisonnée, et rentre chez elle après des mois de captivité. Elle découvre qu'elle est enceinte, après avoir été violée par son gardien de prison.
Burkovska enferme son personnage dans une stature fascinante et opaque ; on ne sait jamais très bien ce qu'elle pense, ou exactement ce qu'elle ressent. La douleur et le traumatisme de la captivité continuent de la tourmenter et refont surface de manière onirique. La guerre n'est montrée qu'occasionnellement à travers les yeux de Lilia, filtrée par les objectifs des caméras, images capturées par des séquences de drones et d’images de smartphones annotées et partagées. Les souvenirs reviennent aussi à sa mémoire via des extraits rapides de flashbacks signalés par un bruit numérique pixélisé, comme des images vidéo dégradées.
Le scénario se construit autour de différents traumatismes à surmonter : traces de la guerre, les plus sévères et invisibles, séquelles physiques mais aussi délicates relations à re-construire avec les proches : mère surprotectrice et surtout mari qui vit mal la situation et s’engage dans des milices racistes.
Tout cela dans un environnement pas toujours propice à cette reconstruction, et une éventuelle indifférence de la part des autres personnes, ceux qui n'ont pas vécu la douloureuse expérience des combattants et des prisonniers. Lilia se rend vite compte que l'accueil en héros qu'elle a reçu à son retour ne dure pas longtemps. Il y a ainsi le rejet pur et simple et l'hostilité qu’elle vit dans une scène à bord d'un bus lorsque le chauffeur refuse d'accepter son laissez-passer gratuit, et que tous les autres passagers sauf une femme le soutiennent.
Mais Lilia refuse de se vivre en victime et se bat pour se libérer. En cela Butterfly Vision est une histoire de survie, le récit de la volonté de rester debout et de se battre, à l'image de la société ukrainienne