Voilà une très bonne surprise que ce Lightyear que nous n’attendions pas, la faute à un projet qui semblait essentiellement marketing et à une maison de production milliardaire dont les produits récents avaient déçu. L’ouverture textuelle inscrit d’emblée le long métrage en amont de la saga Toy Story, et s’affranchit aussitôt des références obligatoires qui l’auraient contraint au sur-place malheureux. Rien de tel ici, car compte davantage la matière cinématographique de tout un pan de la science-fiction entre Star Trek, Interstellar (Christopher Nolan, 2014) – duquel il puise la mélancolie de Buzz confronté à la distance qui le sépare de sa co-équipière – et les derniers volets de l’aventure Alien, avec notamment quelques plans – les choix de cadrage du vaisseau lors de l’atterrissage, ou la course des protagonistes en sa direction – et une piste instrumentale inspirés de Prometheus (Ridley Scott, 2012).
Ces échos demeurent subtils et laissent au premier plan une intrigue soignée, forte de retournements de situation et d’un souci apporté à l’accidentel : les projets échouent, les lancées épiques se heurtent aux erreurs et à des antagonistes futés. Lightyear évite ainsi la linéarité scénaristique et lui oppose un dédale de chemins rocailleux au terme desquels triomphent le collectif et le droit à l’erreur. Nous ne sommes plus dans un culte de la performance ou dans un attachement strictement individuel aux personnages, tendances qui caractérisaient la plupart des productions récentes du studio ; en lieu et place, l’éloge de l’incertitude, des regrets et de la force que tirent des êtres blessés à s’unir devant un sort qui s’acharne. La partition musicale de Michael Giacchino mêle l’alerte, l’instable et le massif, cassant son thème principal cuivré par des motifs accéléré (la piste « Oh, Hover » par exemple) ou décéléré qui confèrent à l’ensemble une vitalité précieuse ; elle confirme le talent d’un compositeur qui compte parmi l’un des meilleurs de son temps.
Disney et Pixar nous offrent donc un divertissement élégamment mis en scène, soigné dans son animation et innovant dans certaines thématiques sociétales représentées, notamment ce couple lesbien traité dans toute sa banalité lors d’un montage chronologique magnifique. De quoi rendre ridicules les pays interdisant ou censurant Lightyear, et audacieuse la démarche défendue par l’équipe du film. N’oublions pas une dernière trouvaille, irrésistible : celle de faire doubler Darby Steel par Chantal Ladesou !