Dans cette interview réalisée en 2008, trois ans avant sa disparition, Sidney Lumet raconte sa carrière, ses débuts en tant qu'acteur dans l'art yiddish, avec de la bonne humeur et une sensation d'avoir été chanceux tout au long de sa carrière.
Né en 1924, Sidney était le fils d'un dramaturge d'origine polonaise, Baruch Lumet, qui le faisait monter sur les planches dès quatre ans, lui donnait des petits rôles dans des films, mais toujours pour la communauté juive, ce qui fait qu'enfant, il comprenait l'hébreu avant de savoir lire l'anglais !
Ensuite, il est parti faire carrière à la télévision, réalisation des tas d'épisodes de séries, de dramatiques en direct (dont on voit des extraits), jusqu'à tomber sur un scénario brillant, qu'Henry Fonda va lire lui aussi, et séduit par le travail de Lumet, va lui proposer de réaliser son premier film, 12 hommes en colère, un chef d'oeuvre absolu. C'est sur ce coup de chance que va démarrer le parcours fantastique du réalisateur, 44 film en 50 ans, jusqu'au formidable 7h58, ce samedi-là.
Je le dis souvent, mais Sidney Lumet fait partie de mes trois réalisateurs favoris, qui a composé un nombre incroyable de grands films, que je ne nommerais pas pour éviter la redite, tournant souvent autour de l'injustice, et de la rébéllion contre l'ordre établi.
Le documentaire est composé d'une interview au long cours de Lumet, avec des tas d'extraits de ses films, qui donnent envie de les revoir, ou d'en découvrir, comme Un long voyage vers la nuit (avec Katharine Hepburn), Daniel, et une très alléchante adaptation de La mouette de Tchekhov avec Simone Signoret. Dans mon cas, je me sens privilégié, car j'ai pu découvrir plus de la moitié de son œuvre, et quel bonheur de revoir Serpico, La colline des hommes perdus (peut-être son meilleur film), Un après-midi de chien, Network... Voilà, j'ai craqué, mais il a signé tellement de réussites !
Quant à la forme du documentaire, je suis plus mitigé. Certes, je suis content d'entendre Sidney Lumet, toujours aussi vif à 84 ans, mais on sent que ça a été tourné à l'origine pour la télévision avec seulement deux caméras, face et profil, et une absence totale d'invités ; on aurait pu avoir des techniciens, des acteurs, des réalisateurs... mais non. Ce qui fait que ça devient monotone de n'entendre parler QU'UNE seule personne durant près de 1h50. Pourtant, le film est sous le patronage de Brett Ratner (qui a coproduit), Steven Spielberg ou Martin Scorsese.
Après, le choix de ne pas parler anecdotes est assez fidèle à son livre, Faire un film, où il restait technique, tout comme ici. Le début, où il revient largement son enfance d'acteur, est peut-être plus réjouissante de ce point de vue-là. On retient surtout le bonheur qu'a été de travailler avec Al Pacino ou sur La colline des hommes perdus, mais ça ne va jamais du côté du people. Tout comme sa vie personnelle qui est totalement absente.
Enfin, les extraits ne sont pas tous restaurés, et on peut pester sur le fait qu'il manque un film majeur comme The offence ou ce chef d'oeuvre qu'est A la recherche de Garbo. Sans doute des problèmes de droits, mais on en saura gré de ne pas proposer d'extraits de Gloria...
Disons que le documentaire peut être une bonne porte d'entrée au cinéma de Sidney Lumet, mais je recommanderais plutôt au novice de lire son formidable livre, Faire un film. En l'état, la forme est un peu lourde par rapport à ce que j'attendais sur un tel réalisateur.