Clara et Eleanor Webb sont deux vampires. Le début du film nous les montre en pleine action, et déjà met en évidence leurs différences. Clara est sensuelle, brutale. Eleanor est douce, rêveuse, mélancolique. L'une attaque par surprise, après avoir séduit par des promesses de luxure. L'autre met fin à la vie de personnages qui n'attendent que ça, de personnes âgées qui savent qui elle est et qui peuvent regarder la mort en face avec sérénité.
Obligées de fuir, les deux femmes s'installent dans une station balnéaire qui rappelle aux deux femmes leur histoire. Et c'est grâce à Eleanor que l'on va plonger dans le passé des deux vampires.
Autant dire que le retour de Neil Jordan au film de vampire, lui qui avait réalisé le désormais mythique Entretien avec un vampire (d'après le non moins mythique roman d'Anne Rice), était attendu, mais s'est fait avec une telle discrétion que Byzantium fut un échec commercial. Et pourtant, quel beau film !
Jordan remonte vraiment aux sources du mythe du vampire pour réaliser un film gothique et romantique. Pas romantique dans le sens "je t'aime", pas ce faux romantisme à l'eau de rose, ce romantisme dévoyé. Non, le vrai romantisme, le romantisme noir et sombre, celui de l'exaltation des sentiments et des vies qui flambent.
Après un début un peu lent à mon goût, les retours vers le passé qui ponctuent le film et qui prennent de l'ampleur au fil de l’œuvre, constituent vraiment ce que j'ai préféré. On y retrouve l'image de la malédiction du vampire, de la souffrance, de la maladie, du rejet de l'humanité, de tout ce qui construit le mythe du vampire. Car constamment dans ce film, le vampire est lié à la maladie et la mort (une mort qui n'est pas forcément vue de façon négative, d'ailleurs).
Une maladie qui peut être aussi bien morale que physique. Le vampirisme est une malédiction assumée, une exclusion revendiquée. Et que les deux femmes portent de façon différente, voire opposée.
Neil Jordan fait un film à l'esthètique très travaillée, avec des plans magnifiques, mais en sachant ne pas trop en faire pour ne pas étouffer son propos. Il ménage également un subtil équilibre entre le renouveau (pas de canines proéminentes, pas de pieux dans le cœur, sauf dans un vieux film diffusé à la télé et qui constitue un clin d’œil aux classiques du genre) et le respect des origines du mythe. Il y a du Bram Stoker là-dedans (la construction sous forme de journal d'Eleanor rappelle l'organisation du roman de Stoker).
C'est tour à tour lent ou rapide, intimiste ou spectaculaire, glauque ou merveilleux, sombre ou lumineux...
Un fort beau film.