Scandaleusement privé de sortie en salles chez nous, "Byzantium" représentait pour moi un double évènement. D'abord, il marquait les retrouvailles de Neil Jordan avec le mythe vampirique, plus de quinze ans après le superbe "Entretien avec un vampire". Ensuite, participait à ses retrouvailles rien de moins que ma Gemma Arterton à moi, incarnation suprême à mes yeux de la femme dans toute sa splendeur. Je ne pouvais décemment pas manquer ce rendez-vous, et on peut dire que je ne suis pas déçu du voyage.

Adapté d'une pièce de Moira Buffini par la dramaturge elle-même, "Byzantium" permet à Neil Jordan de retrouver la puissance picturale et thématique d'oeuvres comme "La compagnie des loups", tout en apprenant des erreurs du passé, le cinéaste encrant totalement son récit dans l'univers trouble et fantasmagorique du conte sans jamais chercher à rationaliser l'ensemble à la dernière minute, comme ce fut malheureusement le cas lors de son très joli "Ondine", conte émouvant parasité par une dernière bobine bien trop rationnelle.

Si l'histoire trouve pleinement sa place dans le folklore naviguant autour du mythe de Nosferatu, on observera une absence presque rafraichissante de tout ses apparats, le cinéaste et sa scénariste préférant une approche plus réaliste, montrant l'éternité dans tout ce qu'elle a de moins glamour et de plus précaire, où gousses d'ail, crocs acérés et pieux dans le coeur brillent par leur absence.

Remplissant tout de même le cahier des charges en offrant son lot d'hémoglobine et de sensations fortes, "Byzantium", davantage qu'un énième film de vampires, est surtout une forte déclaration d'amour envers la femme, à travers la relation conflictuelle et fusionnelle entre une mère et sa fille, à ceci près qu'elles accusent chacune plus de deux cents années au compteur. Si le personnage de "l'adolescente", magnifiquement incarnée par Saoirse Ronan, sert de passerelle entre le spectateur et le film, c'est surtout le personnage complexe de la mère qui retient l'attention, Jordan et Buffini esquissant le portrait émouvant d'une mère prête à tout pour survivre dans une société patriarcale (jusque dans l'immortalité) et protéger la chair de sa chair. Sensuelle, puissante, touchante et belle à se damner sur au moins six générations, Gemma Arterton irradie de mille feux et trouve sans aucun doute son plus beau rôle à ce jour.

Proposant une imagerie absolument somptueuse (les cascades de sang) renforcée par la beauté des paysages naturels, "Byzantium" trouve directement sa place auprès des plus grands films du genre, oeuvre miraculeuse incroyablement foisonnante et suintant le sexe par tous ses pores, aussi mélancolique que poétique, aussi fascinante qu'exigeante, aussi belle qu'un lever de soleil.

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le 14 janv. 2014

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Gand-Alf

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