Dans l'ensemble, on pourrait croire que ce film est une copie éhontée de "Tout le monde il est beau...". A la limite du plagiat.
En plus, les producteurs ont eu l'idée de prendre Bernard Blier dans un rôle quasi identique. La position sociale du patron plein de fric et ivre de pouvoir est la même. Étrangement, c'est dans ce film que Blier donne la pleine mesure de son talent. Dans une séquence irrésistible, il livre une superbe illustration de ce qu'est un patron dégueulasse de cynisme, dans un monologue exemplaire de férocité, de méchanceté pure. Très grand moment, magnifique performance d'acteur. Rien que pour cette scène, rien que pour ce jubilatoire numéro d'artiste, le film vaut le coup d'œil.
D'ailleurs, je profite de l'occasion pour évoquer un peu le cinéma de Christian Gion dans son ensemble. J'ai pu voir quelques uns de ses films car, quand j'étais môme, ils passaient régulièrement à la télé. Aujourd'hui, Christian Gion est presque oublié et je trouve cela plus que regrettable. Injuste pour tout dire.
Certes, son cinéma n'a pas l'envergure des plus grands, mais un fil rouge semble lier tous ses films et donc constituer une œuvre, aussi modeste soit-elle. A chaque fois, le héros principal est un être exclu à un moment ou un autre par la société établie, par la puissance de l'argent ou par l'aliénation du paraître. Il est souvent un homme seul parmi les autres, rêvant à un monde simple, estimant que l'essentiel de sa vie doit rester simple. Il y a du moralisme doucereux là-dedans, un peu démocrate-chrétien, pas agressif pour deux sous, rien de révolutionnaire, mais pas non plus coincé du derche, un entre-deux qui ne sied pas longtemps à grand monde et qui, par ailleurs, marque bien la différence avec la férocité du film de Jean Yanne.
Pourtant cette générosité gentillette n'est pas sans noblesse et la façon dont Gion aborde ses personnages et ses histoires me plait énormément. Il crée vraiment un univers, certes pas totalement réaliste, mais cette sorte d'angélisme n'est pas non plus niais. Il émerge de tout cela une vision peut-être naïve, peut-être utopique, mais très agréable à l'œil comme au cœur. Un cinéma attendrissant en somme.
Dans ce film-là, le personnage de jeune entrepreneur, joué par Francis Perrin, plein de fougue rappelle également le rôle de Jean Yanne dans "Tout le monde...". Il est ici armé d'un enthousiasme inébranlable, presque forcené et atteint d'honnêteté maladive au point d'apparaître même un peu trop puriste, capable de s'asseoir sur ses amitiés pour maintenir ses principes jusqu'au-boutistes.
Reste que le rôle principal demeure à mon avis celui de Bernard Blier. C'est autour de sa personne que tout le monde ne cesse de tourner.
Les satellites ont parfois de sacrées gueules. On saluera d'abord un très grand Claude Piéplu encore une fois excellent avec son air pincé, très guindé. J'ai aimé revoir également un bon Robert Castel, acteur qui s'est peut-être perdu à jouer le pied-noir de service. Hubert Deschamps passe trop vite. En tout cas, le film présenté un joli trombinoscope de la comédie française des années 70/80.
Dommage, vraiment dommage qu'il ne s'est pas trouvé un éditeur pour mettre ce bon petit film en dvd. Évidemment, la version télévisée qui circule sur le net n'aide pas à mettre en valeur le film. L'image est passablement moche. Je ne sais pas si la photographie de Lionel Legros était bonne ou pas. Ça n'en a pas l'air. La réalisation de Christian Gion, les prises de vue, les cadrages ne laissent rien deviner si le film a une gueule honnête à l'origine. Il me semble cependant que le cinéaste s'est amélioré avec le temps : je garde des souvenirs fort corrects des images de certains de ses films suivants comme "Le provincial" et "Le pion".
http://alligatographe.blogspot.fr/2015/07/cest-dur-pour-tout-le-monde-blier-gion.html