Herbert George Wells était au génie auquel ce film (faisant écho au projet évoqué dans le roman The Time Machine : An Invention – 1895) ne fait pas honneur. Time Ater Time en fait une sortie de professeur d'université un peu victime aux grands idéaux naïfs et nobles – et dans ce monde-là, apparemment, les gentils viennent à bout de leurs projets. Il est affublé des traits d'un Malcolm McDowell guindé et sûr de lui, vieux garçon caractéristique, mais gentleman. Le personnage devient de plus en plus aimable et respectable pour le spectateur, en fonction de sa double implication : pour le bien des Hommes et dans son couple.


En-dehors de cette représentation un peu disneyenne ou liftée du personnage, C'était demain (production Warner Bros) est une jolie réussite, à cheval entre SF, thriller et romance. L'initiative est originale et risquée, la rencontre avec Jack l’Éventreur et le flirt avec le steampunk engendrent un pittoresque inédit (même si l'écriture et d'autres façons sont conventionnelles). Les côtés mielleux n'empêchent pas le film de rester adulte, tout en proposant une expérience stimulante et accessible pour un public jeune. Si le point de vue porté sur Wells est assez pauvre, son décalage avec le présent [de 1979] est exploité avec intelligence. Il génère plusieurs pics comiques, amène à interroger le progrès et la persistance de la nature humaine.


Time after Time met un révolutionnaire devant ses vœux partiellement accomplis et la faillite de certains espoirs : l'examen est parfaitement réussi, Wells reste idéaliste et volontariste malgré l'adversité. En retour on loue l'utopiste socialiste, en restant évasif, indifférent aux plans et aux questions de moyens. La relation entre les époques est aussi éclairée et adoucie par l'idylle entre Wells et Amy la douce femme indépendante de San Francisco (par Mary Steenburgen, qui aura l'air aussi jeune trente ans plus tard – La Proposition, Frangins malgré eux). Cet extraterrestre est un cadeau, ses principes progressistes et féministes une extase en plus, surtout que lui n'a pas renoncé à sa masculinité ou à sa combativité.


Sur le terrain du thriller, le film est convaincant, avec une violence et des joyeusetés libidinales dignes d'un giallo sans le fétichisme froid. C'était demain est donc un succès pour Nicholas Meyer, qui avait déjà 'corrompu' Sherlock Holmes, le détective de fiction crée par Doyle. Avec ce film, le futur abonné aux Star Trek marquait des points de la comédie familiale jusqu'à l'Horreur. Les Visiteurs en Amérique (2001) s'en inspireront probablement, en faisant débarquer un européen du passé aux USA, avec l'exposition de l'engin au musée pour prétexte. Certains raccourcis plus évidents et justifiables sont ratés par Wells/McDowell. La magie doit être à ce prix.


https://zogarok.wordpress.com

Créée

le 17 nov. 2016

Critique lue 240 fois

3 j'aime

Zogarok

Écrit par

Critique lue 240 fois

3

D'autres avis sur C'était demain...

C'était demain...
Fatpooper
7

Enfin une histoire qui explique pourquoi on n'a jamais attrapé Jack l'éventreur de façon plausible !

Je m'attendais à une série B un peu plus sanglante au vu de l'introduction ; en fait, le film est une comédie sur fond de thriller et de science-fiction assez sympathique. Ce qui est regrettable,...

le 7 sept. 2014

16 j'aime

2

C'était demain...
Gand-Alf
8

In time.

Fut une époque où on avait le sens du délire, le sens du fun, le sens de la formule qui claque, et sans que personne n'y trouve quoi que ce soit à redire. Alors que de nos jours on s'offusque pour un...

le 23 déc. 2012

11 j'aime

C'était demain...
Tybalt
8

Critique de C'était demain... par Tybalt

HG Wells poursuit Jack l'Eventreur à travers le temps, jusque vers 1979. Ben c'est un petit bijou, typique des séries B de studios de l'époque, scénario très bien écrit, scènes d'action très bien...

le 14 oct. 2010

7 j'aime

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

51 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2