Petite précision avant de commencer cette critique : je ne ferai pas de lien avec le roman original de Stephen King et n'analyserai pas non plus le degré de fidélité quant à cette nouvelle adaptation, n'ayant pas (encore) eu l'occasion de lire celui-ci. Voilà qui est dit. Maintenant, passons aux choses sérieuses.
27 ans après le téléfilm, dans lequel Tim Curry (oui oui, le maître d’hôtel dans "Maman, j'ai encore raté l'avion") incarnait l'inquiétant Pennywise, et qui traumatisa toute une génération de téléspectateurs, voici que l'entité maléfique à allure de clown fait son grand retour, au cinéma cette fois-ci, et ce sous la direction du réalisateur argentin Andres Muschietti, qui ne nous avait pas laissé indifférents en 2013 avec son conte macabre "Mama".
Alors, que vaut cette nouvelle adaptation de l'un des romans les plus connus de Stephen King ?
Force est de constater que l'aspect horrifique, symbolisé par Pennywise, est bien présent dans cette nouvelle mouture, un budget plus conséquent et des effets mécaniques/numériques bien dosés amplifiant encore davantage l'impact des apparitions surprenantes et terrifiantes du clown maléfique tout au long du film, qui étaient plutôt suggérés à l'époque dans le téléfilm. Sans oublier l'interprétation déjantée d'un Bill Skarsgård métamorphosé et qui s'en donne à cœur joie de martyriser nos jeunes héros.
Alors certes, la manière dont certaines peurs se matérialisent face aux personnages principaux (car oui, Ça peut prendre la forme qu'il veut) et la façon dont ils sont mis en images peuvent parfois paraître grotesques et excessives.
Mais, de par l'incarnation clownesque de la créature, qui voit cette chasse aux jeunes proies comme une sorte de divertissement jouissif, et de par l'imagination débordante que possède un enfant pour faire se matérialiser ses peurs profondes de la façon la plus spectaculaire et invraisemblable qui soit (une tendance qui se réduit généralement avec l'âge, notre utilisation de l'imaginaire et notre crainte face à certaines angoisses n'étant plus les mêmes à l'âge adulte), celles-ci sont en total accord dans leur manière de provoquer une terreur instantanée chez leurs pauvres victimes.
La transposition de l'histoire dans les années 80 et non plus dans les années 50 n'est également pas un problème en soit : l'important ici est ce qui est raconté, pas la période à laquelle cela se déroule, la peur et le mal étant malheureusement intemporels et pouvant frapper à chaque instant.
Mais là où le film m'a vraiment surpris, et positivement, c'est que celui-ci ne se cantonne pas à de l'horreur pure et se permet de dépasser ce cadre pour nous raconter autre chose : l'histoire de ces enfants, à l'aube de l'adolescence et de leur premier émois, en proies aux violences que leur inflige le monde qui les entoure, que ce soit par un groupe d'adolescents issu de la même école qu'eux (Henry Bowers et sa bande) et même parfois par leur propre famille (le père de Beverly).
Des enfants fragiles, victimes de traumatismes, dont les adultes ne se soucient pas vraiment (ou pas de la bonne manière). Bref, des enfants abandonnés à leur propre sort, et ça, Pennywise l'a très bien compris et va utiliser leurs peurs respectives contre eux pour les fragiliser encore davantage, les diviser et, un à un, les laisser échouer dans son piège mortel.
La violence et la peur qui les entourent sont bien réelles, qu'elles soient humaines ou monstrueuses.
Mais, à l'image d'une autre adaptation de King, "Stand By Me" (où un groupe de quatre garçons partant à la recherche du corps d'un enfant de leur âge vont affronter divers obstacles et se rendre compte du monde qui les entoure, et surtout de qui ils sont vraiment et de quoi ils peuvent être capables une fois ensemble), ce sont justement cette même violence et cette même peur qui vont les pousser à ne faire plus qu'un, à s'unir face à leurs assaillants et à mettre un terme à ce qui les faisait reculer. Ensemble, leurs différences deviennent leur force, leurs peurs leur courage.
Ces magnifiques "losers", chacun au contact de l'autre, comprenant ses douleurs et ses espoirs, vont finir par devenir des winners. Voilà ce qui fait la particularité et la force de ce film.
Superbement interprété par une nouvelle génération d'acteurs très talentueux (parmi lesquels vous aurez reconnu Jaeden "Midnight Special" Lieberher ou encore Finn "Stranger Things" Wolfhard), ce "Club des Losers" brille par sa capacité à ne jamais s'avouer vaincu et à aller jusqu'à user de la même violence qu'utilise Pennywise contre eux sur lui, pour lui démontrer une bonne fois pour toute que les enfants qu'ils étaient n'auront plus peur de lui.
Car comme toujours, ce qui compte chez King, plus que les événements surnaturels qui surgissent dans un univers bien réel, c'est la manière dont les personnages qui y sont confrontés vont réagir.
Le tout est accompagné d'une mise en scène inspirée, nerveuse quand il le faut, posée quand il le faut, laissant vivre ses protagonistes à l'écran, et d'une sublime photographie soulignant avec finesse la frontière entre réalité et cauchemar.
Plus qu'un simple film d'horreur, un drame humain et sombre sur une enfance abîmée et sacrifiée qui va peu à peu se relever et tout faire pour avoir le dessus sur ses démons, d'ici comme d'ailleurs.
Quant aux coulrophobes, un conseil : fuyez. Ou faites comme le "Club des Losers", affrontez votre peur. Croyez-moi, vous ne le regretterez pas.
Et vivement la partie 2, prévue pour 2019, et qui se déroulera 30 ans plus tard avec les mêmes personnages. Ça n'a pas dit son dernier mot...