Ultra attendu depuis l'annonce de sa mise en chantier, over hypé dans les moindres détails de ses intentions et de son tournage, classification jugée hardcore, célébration anticipée d'un retour aux sources de l'horreur, Ça était le porteur des fantasmes les plus fous, au moins autant que le vecteur des peurs les plus abominables relatives à la profanation des classiques, littéraires ou pelliculés.
Ses performances au box office US confirmaient au moins l'attente fébrile, à défaut de la qualité artistique supposée. Andrès Muschietti, lui, avait quand même, il faut bien avouer, tout à prouver. Surtout après un Mama attachant mais un peu bancal, traversé de certaines fulgurances mais sentant aussi le remplissage artificiel d'un court métrage originel.
Le verdict sera donc un peu nuancé. Car Ça est assez efficace, à l'évidence. Mais Ça ne va peut être pas jusqu'au bout de ses intentions initiales. Le film est assez sympa à suivre, offre quelques moments de trouille très bien troussés. Mais il souffre certainement de ne pas totalement rompre avec le genre dans ce qu'il a de plus actuel, dans ce qu'il a de manies, de tics de mise en scène parfois dispensables ou un peu bêtes.
Ainsi, la scène avec Georgie saisit, tant en tant qu'hommage au téléfilm que dans son intention d'offrir au public de 2017 quelque chose de plus sombre, de plus graphique, de plus tendu. Et Muschietti y réussit, sans aucun doute. Mais il aura juste avant mis en boîte la scène ultra attendue et prévisible de descente dans la cave, lancée comme un appât. Où l'on sait pertinemment qu'il ne se passera rien, mais dans laquelle la production essayera de faire peur à bon marché, à coup de sculptures en bois ou d'yeux qui se dessinent dans les ténèbres. Un tel enchaînement serait presque de nature à renier quelque peu la note d'intention.
Cependant, les premières apparitions de Gripsou s'avèrent ultra efficaces et rassurent, tandis que la tension s'installe de manière assez insidieuse. Et l'on pense que Ça évolue sur le bon chemin. Pendant longtemps, même si son rythme est quelque peu saccadé, la faute à la structure scénaristique adoptée en forme de bout à bout présentant la situation de chacun des enfants, tour à tour.
Muschietti semble tenir bon la barre, jusqu'à ce que spectateur constate, au fur et à mesure où le film se déroule, que Ça se transforme insidieusement, comme son clown, en une sorte de fête foraine de l'horreur, enquillant les séquences chocs à un rythme effréné, et multipliant sa figure du mal jusqu'à l'overdose, sous toutes les coutures, dans chacun de ses changements de forme.
Si Ça tire parti de ses effets spéciaux afin de nourrir le spectaculaire et la terreur, il se tire aussi une balle dans le pied, vu que l'horreur devient extrêmement commune, voire banale, anesthésiant littéralement celui qui a payé sa place. Ça en devient un ride très bien huilé, certes bien spectaculaire en beaucoup d'occasions, mais dont la surprise face à chaque apparition de son clown s'étiole inexorablement, comme dans les films d'horreur nouvelle génération qui lancent tout d'un coup à la tête du spectateur leurs effets de manche sans trop y réfléchir. Et dans une musique tonitruante qui retentit bien avant l'effet d'horreur, comme pour y préparer l'audience et lui dire quoi ressentir. Il ne sera dès lors pas interdit de penser que nous sommes un peu loin du revival du genre old school promis en cette matière, même si Muschietti se montre des plus généreux en matière graphique et artistique.
Mais le spectateur de Ça, s'il pourra légitimement être déçu sur cet aspect, notera que le film réussit finalement là où on l'attendait le moins, c'est à dire dans son intime et sa peinture de l'enfance traumatisée. Délocalisée à la fin des années 80, cette peinture vise étonnement juste, comme avait pu le faire une oeuvre comme Super 8, en forme d'hommage ou de plagiat. La dynamique du groupe qui est décrite est vivante et mise en scène avec acuité. Chaque enfant est formidable. Les peurs, quant à elles, font parties des scènes les plus réussies. Elles sont les témoins de la véritable absence parentale, en forme de démission, de castration et autres abus, tout en symbolisant les douleurs du difficile passage vers l'âge adulte, mâtiné d'un émoi amoureux naissant et touchant. Enfin, elles ne ménagent pas les petits héros de cette aventure, les confrontant plus d'une fois à une violence assez frontale, physique ou psychologique, liée à la culpabilité. Dommage seulement que certains effets humoristiques soient un peu trop appuyés, voire un peu gênants par instants.
Ça est donc de bonne facture, c'est le moins que l'on pouvait en attendre. Ça tient certaines de ses promesses. Mais pas toutes. Handicapé par un cahier des charges tourné vers cette jeunesse actuelle et duquel il ne peut (ou veut) totalement s'affranchir, il se révèle d'une certaine efficacité, mais en forme de trop plein. Il ne constituera donc pas le sommet de l'horreur attendu. Simplement une oeuvre agréable, en forme de ride qui se démarque du bouquin original qu'il adapte.
En forme de succès déjà assuré, à juger du remplissage de la salle, Gripsou reviendra, à coup sûr, en tant que roi dansant de sa fête foraine, qui n'était pas que sur pellicule, malheureusement, mais aussi dans la salle. Attendez donc quelques jours afin de ne pas renouveler l'expérience de Behind_the_Mask, passablement dégoûté du public auquel il a été confronté, en forme de véritable Foire du Trône irrespectueuse et je m'en foutiste.
L'expression "faire le clown", était largement en dessous de la vérité du spectacle proposé dans la salle.
Behind_the_Mask, qui n'avait pas que le nez de rouge à la sortie de sa salle de cinéma.