Le film sur le cinéma est depuis longtemps devenu un genre en soi, particulièrement vivace ces dernières années, où chaque réalisateur semble devoir s’y confronter, de Chazelle à Erice en passant par Spielberg. Kim Jee-woon, cinéaste prolifique du cinéma coréen, surtout connu à l’international pour ses polars classieux (A Bittersweet Life) et sadiques (J’ai rencontré le diable), mais capable d’investir la comédie la plus foutraque (Le Bon, la Brute et le Cinglé), s’essaie donc à cette thématique sur un mode plus comique, à l’image du récent Coupez ! d’Hazanavicus qui, rappelons-le, était le remake d’un film japonais : soit l’histoire d’un tournage chaotique, occasion de filmer une fourmilière créatrice et de rendre hommage à tous les corps de métiers qui s’y débattent.
Le contexte ajoute pour beaucoup aux conditions de création : dans les années 70, le régime militaire tient le cinéma sous sa coupe, et la censure conditionne beaucoup les créateurs. Ajoutons à cela un cinéaste déconsidéré persuadé qu’ajouter deux jours de tournage à son film le transformera en chef-d’œuvre, les égos surdimensionnés de comédiens en roue libre et des producteurs luttant pour cacher l’activité clandestine d’un studio, et le cocktail a trouvé sa recette.
Reste à gérer les dosages. La vigueur du rythme est certes assez divertissante, et le jeu des ruptures (rêves, coups de téléphone, cut du metteur en scène) favorise un temps une intrigue aux multiples à-coups. Lui opposer l’esthétique fantasmée par le réalisateur fondée sur le plan-séquence ne manque pas de saveur, surtout lorsqu’on a l’occasion d’entendre ce terme prononcé en français phonétique par des coréens.
Mais, comme souvent dans ce cinéma, le récit s’étiole et s’enlise dans les redondances, sur un film de 2h15 qui pouvait aisément s’amputer de 45 minutes. On comprend dès le départ les échos entre ce qui se joue dans le film en abyme et le vaudeville des créateurs sur le plateau – procédé au demeurant parfaitement stéréotypé et en vigueur depuis Chantons sous la pluie – sans qu’on aie besoin de multiplier les situations pour exploiter le filon. Et ce n’est pas une ultime pirouette (pour ceux qui auront la patience d’attendre la scène post-générique) qui viendra faciliter la digestion d’une œuvre paradoxale, à ce point occupée à rendre hommage aux artisans du cinéma qu’elle en oublie de prendre en considération le spectateur.