On n'est jamais mieux servi que par soi-même. C'est ce qu'a dû se dire Clive Barker en décidant d'adapter son propre roman. Le bougre nous avait déjà apporté Hellraiser entre autres et avait donc déjà une connaissance de ce métier pour espérer ne pas foutre en l'air son propre projet. Puis il a su s'entourer de personnes compétentes pour l'aider à arriver à ses fins.
L'univers présenté est foutrement intéressant! Le bestiaire est simplement énorme. Je m'étais régalé devant le labyrinthe de Pan mais maintenant je me dis que le film espagnol n'arrive tout simplement pas à la cheville de ce Nightbreed tant ce dernier est riche en bonnes idées. Les décors sont également super intéressants. Tout ça c'est un vrai bon travail d'équipe qui fait plaisir. La mise en scène fonctionne très bien. Bon Clive n'est pas un dieu, et on peut lui reprocher d'aller un peu vite quand il s'agit d'amener une ambiance ou de préparer un effet de suspens (le début est plutôt expéditif) mais ça reste dans les limites du convenable, conférant tout juste au film une aura surréaliste. En fait, ces scènes qui vont vite sont un peu comme un rêve où le spectateur doit systématiquement faire la transition entre deux plans, y amener un peu de rationalité, comme le matin, au réveil, quand on essaie de comprendre. Un peu comme dans les caniveaux d'une bande dessinée, le lecteur crée mentalement cette case invisible entre deux cases visibles.
Le scénario est assez basique. Je me demande d'ailleurs combien de pages fait le bouquin. Il est probable que l'auteur a tout simplement réussi à s'adapter à ce médium du cinéma où l'on passe plus de temps à montrer qu'à raconter. Non pas que je sépare l'image de la narration, mais qu'un film dure moins longtemps alors qu'il est nécessaire de prendre son temps pour installer une ambiance (ce qui peut prendre plusieurs minutes), tandis que dans un livre, une demi page peut suffire au même résultat. Clive ne se laisse pas désarçonner par ces caractéristiques et surenchère carrément dans la contemplation de cet univers. Il ne se prive pas pour autant d'une histoire, histoire qui est racontée avec intelligence. Si au début on s'intéresse au cas de ce jeune héro ressemblant étrangement à un jeune Josh Brolin, par la suite, lorsque la transformation a eu lieu, l'auteur a l'idée géniale de s'intéresser à la petite amie. Cela permet de préserver une part de msytère sur le monde des monstres, mais aussi, pour reprendre les théories de Lavandier, d'offrir une possibilité de suspens. Comme dans Rainman, il est inutile de s'intéresser au monstre qui ne peut plus rien sur sa condition, alors que la petite amie (soit Tom Cruise, le frère de Rainman dans le film du même nom) est en train de vivre quelque chose sur lequel elle peut encore exercer un certain pouvoir: peut elle ou non aimer cet homme? peut elle accepter sa différence? Là il y a du conflit pour nourrir la curiosité du spectateur. Et enfin ce changement d'objectif final, où Clive parvient à offrir à son public ce qu'il pouvait espérer de mieux, un conflit plus riche en testostérone, certes, mais un conflit efficace surtout, renforçant davantage les métaphores évidentes employées jusque là.
Nightbreed de Clive Barker est donc un film étonnant, et très certainement mon film de montres préféré grâce à ce désir de se montrer contemplatif dans cet univers original. La mise en scène n'est pas celle d'un Kubrick, mais se suffit largement, surtout que Clive Barker ne se prive pas de scènes spectaculaires ni de créatures mémorables.
Un mot tout de même sur le casting : tout le monde y est convainquant, mais l'idée de génie concernant la distribution, c'est d'avoir opté pour Cronenberg dans le rôle du psychiatre. Ce n'est pas qu'il soit un grand acteur, mais plutôt qu'on peut y voir là un prolongement de son œuvre (à Crocro), et ses fans se réjouiront de le retrouver dans ce chef d’œuvre du fantastique.
Bref, je recommande ce film qui m'a totalement conquis.