Bien qu'il soit quelque peu retombé dans l'oubli, Cabiria fait partie de ces premières superproductions et fut en son temps le film le plus cher avec un budget de 1 millions de lires. Une fortune colossale à l'époque ! Comme bien d'autres, la démesure était un objectif essentiel du cahier de charges afin d'en balancer plein la vue aux yeux du public ! Il est assez impressionnant de voir avec un oeil de 2021 à quel point Cabiria force toujours le respect par la grandeur de ses décors, de sa reconstitution historique et des déguisements. Le temple dédié à Moloch dont les scènes filmées en intérieur sont à vous décrocher la mâchoire peut sans conteste s'illustrer parmi les décors les plus impressionnants de son époque. Ce n'est pas seulement un voyage aux fondamentaux du cinéma mais une odyssée vers un temps assez peu traité, parlant des guerres puniques, avec en bonus l'aide du célébrissime D'Annunzio, quoique sa participation fut sujette à débat parmi les spécialistes.
Indubitablement, Cabiria est un indispensable pour ceux qui veulent se rincer les yeux et toucher aux prémisses du Septième Art quand les techniques de mise en scène étaient encore rudimentaires et que nombre d'effets n'avaient pas encore été explorés. Certes, on y retrouve les travellings mais jamais de plans rapprochés sur les personnages. Une caractéristique qui fut prédominante dans le cinéma muet pour faciliter la perception de l'expressivité des acteurs pour les spectateurs. Ici les plans sont larges, les visages n'étant filmés que de loin. On a plus l'impression d'être dans du théâtre filmé plutôt que dans une oeuvre cinématographique. Chose qui n'est en rien dommageable et participe au charme de ces blockbusters avant l'heure.
Là où le bas va blesser, c'est dans l'écriture. Pour un film ayant pour titre le nom d'une jeune héroïne, on ne la voit guère beaucoup, l'essentiel de l'histoire se déroulant sous fond de complots contre Rome et d'alliance entre Carthage et Syracuse. Le véritable personnage n'est donc pas elle, ce qui est un peu particulier. Secundo, le scénario manque de tragédie et plus généralement d'émotions. La grandeur des paysages est là mais pas celle des sentiments. Une asymétrie qui coupe court au magnifique. Tertio, le déroulement se montrera quelques fois confus.
En conclusion, c'est regrettable de se dire que si Cabiria avait autant assuré sur son écrit que sur sa plastique, on aurait eu accès à l'archétype même du chef-d'oeuvre. Malheureusement, il n'en résulte qu'un bon film. En soit, c'est déjà pas mal dirons nous...