Après le remarqué C.R.A.Z.Y., et le plus mitigé Victoria : Les Jeunes Années d'une reine, Jean-Marc Vallée signe son nouveau film : Café de Flore. Loin du célèbre salon de thé parisien du quartier de St Germain, cher à Sartre et De Beauvoir, c'est la musique du même titre qui inspire le réalisateur. Une musique envoutante qui plane sur ce long-métrage et dans nos esprits. Une belle surprise, mais qui souffre d'une trame trop décousue sur la longueur et au dénouement patent.
Un récit. Deux histoires. D'abord celle d'un homme que la vie a gâté, dans le décor d'un Montréal contemporain. Aimé, loin du besoin, épanoui, il est le reflet de ce que recherche tout homme désireux d'être heureux. L'autre s'attache au personnage de Jacqueline, mère célibataire, errant dans le Paris des années 60, aux prises d'un amour immense pour ce garçon trisomique qu'elle a mis au monde. Deux histoires dont le seul point commun apparent semble être cette mélodie entêtante du Café de Flore. Mais le lien si mince entre ces deux vies se révèle bien plus profond au fil du récit.
Il y a des musiques qui ont cette saveur particulière. Celles qui font penser à ces souvenirs du passé que l'on avait enfouis sous le poids du temps. Celles qui redessinent ces images effacées, et découvrent ce sentiment que l'on ne peut les vivre qu'une seule fois. Celles que l'on voudrait détester pour ne plus se rappeler ; le souvenir rappelle parfois notre souffrance. Empreint de cette nostalgie insufflée par la musique, Jean-Marc Vallée réalise une œuvre très personnelle.
On se demanderait presque si, dans une vie antérieure, il n'aurait pas été clippeur, tant la musique tient une place prépondérante. Au sortir de la salle, l'avis est mitigé. On ne saurait dire si l'histoire sert de support à un exercice de style, visuel et sonore, ou si, au contraire, ces effets de style viennent magnifier une histoire qui manque de consistance. On se laisse emporter par la poésie de ces images, presque « Malickéennes », sur lesquelles se joue une playlist enivrante. Cameron Crowe l'a compris depuis bien longtemps déjà, Sigur Ros dégage une musicalité qui emplit l'esprit d'images, comme si leur musique se devait d'exister à travers ce qu'elle illustre.
Un lyrisme dans la forme, qui malheureusement ne se retrouve pas suffisamment dans le fond. Le récit de ces histoires entrelacées se perd dans la multiplication des allers-retours entre passé/présent, rêve/réalité. Le film offre une narration qui souffre d'un sur-découpage cherchant à éviter une lisibilité simplifiée, et dissimulant une intrigue finalement évidente. Jean-Marc Vallée laisse trainer, ça et là, des indices qui ne manquent pas d'éveiller la curiosité du spectateur. Mais permet également de tisser facilement le lien qui uni les personnages.
On s'ennui alors, et en vient vite à espérer une conclusion qui se fait attendre. Même l'effet saisissant de ce montage exceptionnel, tant dans ses images que ses musiques, devient prétexte à étendre le récit, qui aurait mérité simplement quelques coupes. Puis vient le dénouement final. Décevant, sans surprise. Heureusement il y ce plan. Un plan d'une grande intelligence, qui vient illuminer cette fin et la sauver de la naïveté mièvre de conte de fée vers laquelle elle tendait. Un plan presque furtif, d'une ligne de vie aérienne, tracée dans le ciel azur. Un plan qui revient à plusieurs reprises, sans vraiment se remarquer, mais qui prend tout son sens dans les dernières secondes.
Au final, Jean-Marc Vallée livre un hymne à l'amour dans ce qu'il a de plus charnel, soudain, intense, mais surtout dramatique. Il créé un parallèle entre l'amour d'une mère pour son enfant, sorte de complexe œdipien subversif, et celui d'une femme pour son âme sœur, toutes deux abandonnées de l'être aimé, convaincues de ne pouvoir y survivre. Vanessa Paradis trouve un rôle presque taillé, et livre une interprétation touchante de sincérité, ne pouvant caché son expérience maternelle. Elle apparaît débordante de convictions. Le regard triste, qui s'illumine dans cet amour, et s'éteint par le rejet.
Les fulgurances artistiques, dans son esthétisme, sa musicalité, son lyrisme, sa dimension onirique voire surnaturelle, et les interprétations très justes de ces acteurs, font de ce Café de Flore un bel exercice de style. Dommage, avec un tel traitement, que le film n'exploite pas tout son potentiel et se contente d'un récit un peu facile, dénué d'une réelle pensée réflexive.