Il est vrai que je partais, comme beaucoup, avec un a priori positif car je suis amoureuse de Jennifer Aniston. Inutile de le nier, c’est plus fort que moi, depuis Rachel, elle provoque en moi une vague insondable de sympathie et des tumultes de bienveillance. Je ne savais pas si j’allais aimer le film, mais je savais que j’allais pardonner à Jennifer, quelque soit son jeu.
Cake fut alors une belle surprise, de prime abord pas évidente. En effet, son sujet est cinématographiquement éculé depuis des lustres. Le deuil, le traumatisme, la reconstruction, la perte de soi, tout est brassé dans le film. Cependant, derrière des apparences trompeuses de facilité et déjà-vu se cache un véritable parti pris cynique, toujours sur le fil du pathos sans y tomber.
J’ai lu dans une critique que le plus gros reproche du film était son absence de réalisation et qu’aucun plan, aucun effet de lumière ne venait apporter au film un supplément d’âme. Je suis bien d’accord, mais pour moi cela n’est pas un reproche, bien au contraire. Ce film parle de vraies personnes, pétries d’une complexe palette d’émotions et de couleurs. On peut ne pas les comprendre mais c’est le but du film : inscrire ses personnages dans la vraie vie avec des réactions qui n’ont pas de sous-titres. Un effet de caméra ne servirait à rien et donnerait au contraire un aspect trop romancé au film. A l’image de son héroïne, Cake vous envoie balader, ne vous dit pas explicitement les choses. D’un, parce que dans la vraie vie il n’existe pas de dialogue d’exposition genre « Mais merde, on vit quand même ensemble depuis des 10 ans et tu m’as trompée quatre fois avec ma meilleure amie qui était en fait un homme avant de devenir un chien le jour où ma mère m’a avoué son homosexualité ! Merde ! » Non dans la vraie vie on ne dit pas ça parce l’autre est déjà au courant.
Et de deux, pas la peine de nous raconter le début parce qu’on le devine par la simple et bonne raison que ça ressemble à vingt milles histoires de vies déjà vécues. On perd quelqu’un, on est triste, on se perd soi-même et on a besoin des autres pour survivre. Cake a l’intelligence de ne pas nous mâcher le boulot et n’a pas la prétention de nous twister son final. L’avant et l’après on les devine sans mal, le but de Cake c’est le maintenant.
Et le maintenant, c’est Jennifer Aniston dans son plus beau rôle. Certes, ce n’est pas l’actrice du siècle mais c’est une des rares actrices de comédie à faire ce genre de pirouette. C’est une des rares grosses stars hollywoodiennes à accepter d’être filmée de près sans maquillage à l’aube d’un âge où l’on vous traite de vieille.
Elle touche dans quasiment toutes ses scènes tant sa souffrance est visible et sa façon de traiter son mal est compréhensible. Elle essaye de tenir debout en vivant couchée, elle ne tente pas de paraître heureuse, elle tente juste de paraître. Son combat intérieur est réellement beau à voir et traité avec une réelle finesse, sans esbroufe.
Cake c’est un film qu’on a l’impression d’avoir déjà vu cent fois mais qui vous surprend on vous offrant une autre manière de voir les choses.