De base, je crois que j'ai vu tous les films avec Sigourney Weaver, l'idole de mon adolescence. Pour son côté nana à qui on ne la raconte pas, difficile à impressionner et le plus souvent hermétique aux rapports de séduction. Ca me faisait des vacances à l'époque des Cocogirls de Collaro. La voilà dans un rôle qui pourrait rappeler de loin la Diane Fossey de Gorilles dans la brume, jean de rigueur et sale caractère de bon aloi. Une militante féministe dure à cuire qui a été de toutes les luttes et termine en beauté sa carrière avec celle en faveur de l'avortement. Qui n'est pas un combat éminemment sexy, j'en conviens, même s'il est susceptible de fédérer des bonnes volontés de tout poil, parce qu'il s'agit d'un droit difficile à conquérir du fait qu'il met à mal de façon frontale la mainmise du patriarcat sur le corps des femmes. Non, nous ne sommes pas obligées de donner à qui que ce soit une descendance. Si ça peut sembler évident à certains aujourd'hui sous certaines latitudes, on constate tous les ans combien c'est un confort fragile, sans cesse remis en question par les coups de boutoir des conservateurs, y compris en France. Mais bon, on découvrira peut-être un jour que les slogans sexistes sur les centres de planning familial étaient aussi un coup des Russes... Blagounette d'actualité mise à part, ce film de la scénariste de Carol a réussi à me captiver en dépit du rôle secondaire et plutôt fadasse de mon ex-actrice fétiche grâce au portrait d'une autre femme, sympathique, dont le bon caractère ne l'empêche pas de savoir exactement qui elle est. En l'occurrence, une potentielle doctoresse que son époque étroite d'esprit n'a pas laissée faire des études. Quand sa survie se trouve compromise par une grossesse à haut risque pour elle, elle entame un parcours initiatique qui va la mener dans une "clinique" clandestine pour avorter. Déjà tout une aventure en soi. Mais l'histoire ne s'arrête pas là, puisqu'elle va faire à la suite de cela quelques découvertes majuscules qui vont l'amener à s'investir dans une croisade inconfortable pour une bourgeoise des banlieues résidentielles mortifères d'une Amérique confite dans ses certitudes. Ce qu'elle fera avec une grâce toute différente de la détermination rugueuse d'une Diane Fossey, mais avec la même ténacité. De quoi malmener son équilibre familial mais aussi lui permettre de repousser ses limites et de faire évoluer ses proches et la société tout entière. Enfin, pas à elle toute seule, mais quand même. C'est inspiré d'une histoire vraie, ça respire l'optimisme, même dans les moments les moins confortables (la longue scène d'avortement, bien crispante) et ça finit bien, on s'en doutait à la lumière californienne qui nimbe tous les plans depuis le début. Ce qui n'empêche pas le témoignage historique et social édifiant, notamment quand il s'agit des affrontements au sein-même de la communauté féministe entre les différents courants qui la composent. Sexisme et racisme semblent être les deux mamelles du rêve américain, mais ces circonstances adverses ont permis, tout au long de l'histoire, à des caractères bien trempés de montrer ce dont ils étaient capables. On finira peut-être même par les remercier, qui sait ? ^^