Forcément, ça change un peu de Message from the King : même si j'ai plutôt apprécié ce dernier, on sentait un certain formatage. Avec Calvaire, c'est tout l'inverse. On sent qu'il n'y a eu aucun formatage.
Bien sûr, je pourrais parler de l'image, des nombreux plans marquants du film, et de l'incritiquable photographie de Benoît Debie, qui avait collaboré avec Gaspard Noé deux ans avant cela à travers Irréversible (d'ailleurs, à 10 minutes de la fin du film, on a droit à un plan aérien qu'on aurait pu voir tel quel dans un film du réalisateur italo-argentin, sans parler de Philippe Nahon et de Joe Prestia, acteurs que l'on pouvait aussi voir dans Irréversible justement)… mais à la limite, ce n'est pas ce qui m'a le plus marqué dans ce film. Vu l'amour qu'à Fabrice Du Welz pour le 35mm, je ne m'attendais absolument pas à voir le travail d'un tâcheron à ce niveau-là… et clairement, je n'ai pas été déçu.
Non, ce qui m'a le plus marqué dans ce film, c'est à la fois Jackie Berroyer, et le personnage qu'il incarne, Bartel. L'ayant toujours perçu comme un acteur « mineur », quelqu'un ne jouant que des rôles secondaires, le voir ici être celui qui crève le plus l'écran, y compris donc plus que Philippe Nahon, je n'y aurais pas cru si on me l'avait dit avant mon visionnage du film. Ce que j'apprécie ici, c'est comment Du Welz arrive à nous faire apprécier le personnage, notamment en nous présentant à côté de lui d'autres personnages qui semblent bien plus dérangés, comme Boris (Jean-Luc Couchard, que l'on connaît tous pour Dikkenek) ou les chasseurs, particulièrement fans de relations très fusionnelles avec des animaux. Pourtant, c'est bien le personnage de Bartel, pour lequel on éprouve beaucoup de pitié, qui s'avère être le plus dérangé du lot.
Rassurez-vous concernant Philippe Nahon, il lui suffit de rester sur place, tout en fixant du regard n'importe quoi, pour que l'on se souvienne de lui. Au pire, il lui suffit de prononcer une simple phrase afin de se montrer terrifiant.
J'ai vu beaucoup de reproches concernant le personnage de Marc (Laurent Lucas), peu émotif, stoïque, austère… c'est cependant ce qui permet aux autres personnages du film de projeter leurs désirs, leur manque d'affection, sur lui. Certes, ceci fait qu'une fois le film terminé, on aura complètement oublié le personnage (mais pas ce qui lui arrive pour autant), mais il fallait bien quelqu'un de trop lisse et de trop gentil pour que le film fonctionne, non ?
Bref, un film malaisant, oppressant, mais qui arrive quand même à être drôle lors de quelques rares passages. Quoi qu'il en soit, je crois que je regarderai L'amour est dans le pré différemment maintenant.