Calvaire est un film qui, je le comprends, peut diviser le public, et en dérouter plus d'un. Il s'agît là d'une horreur pure, malsaine et psychologique.
Marc Stevens, un chanteur itinérant, est constamment l'objet d'une tentation extrême. Il attire et fascine. Son calvaire nous est présenté dès le début, il évolue petit à petit jusqu'à atteindre son paroxysme, lors de sa rencontre avec Bartel. Fabrice Du Welz a donné un caractère mystique à son personnage, Marc Stevens semble être une victime malgré lui, il refuse tant bien que mal l'attractivité qu'il génère autour de lui.
Cette attractivité, on a du mal à la comprendre. Marc semble être un personnage atypique, doté d'un don inné, capable de séduire quiconque, par la voix (on ne peut cependant pas parler de talent), le regard, le sourire... C'est alors qu'on le considère comme un être à part, il apparaît comme la réincarnation ou la représentation d'un souvenir, de quelqu'un ou de quelque chose. Dans tous les cas, il faut un prétexte pour le posséder. Marc Stevens est l'objet de tous les désirs.
Sa vie est donc un véritable calvaire, littéralement un chemin de croix. Il est assimilé à ce qu'il n'est pas forcément et surtout à ce qu'il ne veut pas être. Sa rencontre avec Bartel va provoquer une explosion émotionnelle chez l'aubergiste. Le calvaire de Marc va alors prendre une tout autre tournure. Au début imperméable vis à vis de lui, Bartel, en découvrant petit à petit son hôte, commence à être sous l'effet du charme de Marc. Déjà fragile psychologiquement, Bartel voit justement dans Marc la réincarnation ou la réapparition de sa femme, par la voix et le talent ''d'artiste'' du chanteur.
Marc se trouve à nouveau victime de lui-même, son calvaire continue encore et toujours, il ne peut s'en défaire tant qu'il côtoie des individus (toutes les personnes qu'il croise dans le film semblent inconsciemment attirées par lui).
Dans Calvaire, on a cette impression constante d'être déconnecté de la réalité, d'être dans un autre monde, un autre univers. L'ambiance très étrange du film propose quelque chose d'unique, le spectateur a la sensation de se trouver dans un endroit où toute forme de rationalité semble avoir disparue, la folie est le seul remède pour pouvoir s'y adapter.
Véritable Passion, le calvaire de Marc Stevens est l'objet de toutes les tentations. Le pauvre homme, en décidant de passer la nuit à ''l'auberge Bartel'' et en voulant montrer « tout l'étendu de son talent » à l'aubergiste, a involontairement réveillé et déclenché la folie démente d'un sociopathe frustré et déséquilibré. Calvaire est cru par moment et nous rappelle cette Passion (crucifixion, chemin de croix, ou même le fait que les villageois prennent Marc pour le messie, celui qui est de retour, les références sont nombreuses). Le film nous transporte dans une ambiance maîtrisée de bout en bout, avec une tension palpable et un scénario remarquablement bien travaillé. La fin sidérante m'a scotché, je vous avoue que Calvaire ne m'a pas laissé indifférent... Une expérience marquante et glaçante.
Chapeau à la prestation des acteurs, dont la palme revient à Jackie Berroyer. Calvaire n'est pas un film qui choque par sa violence, il choque par le propos qu'il tente de soulever et la manière dont il est amené et présenté par Fabrice Du Welz. De l'horreur psychologique pure et dure. En conclusion, Calvaire est une pépite du cinéma d'horreur, qu'il faut regarder avec un œil critique et attentif. Malheureusement, il ne peut pas plaire à tout le monde.