Je découvre le précieux Cinéma de Ousmane Sembène avec Camp de Thiaroye, l'un des films de guerre majeurs du Siècle dernier doublé d'une charge politique et idéologique des plus retentissantes. En près de deux heures et demi de métrage le cinéaste sénégalais retrace le triste sort des victimes du massacre de Thiaroye, autant de tirailleurs provenant des quatre coins de l'A.O.F. dans l'attente de leur démobilisation au sortir du conflit franco-allemand de l'année 1944.
Séjournant dans le camp de transit de Thiaroye lesdits tirailleurs devront - dès les premières minutes du drame que constitue le film de Sembène - composer avec le racisme ordinaire des hauts-gradés et d'un état-major régi par la loi du colonialisme ambiant ; injustices, humiliations et autres rabaissements seront le lot du sergent-chef Diatta, sénégalais instruit et diplomate par lequel le réalisateur développe toute une reconstitution de l'une des pages les plus honteuses de l'Histoire de France du XXème Siècle.
Camp de Thiaroye s'agit sans nul doute d'une formidable référence cinématographique, cultivant un rythme soutenu mais foncièrement passionnant dans sa peinture sans fioritures de l'infanterie franco-africaine coloniale, armée instrumentalisant sa chair à canon pour mieux la considérer in fine comme une quantité négligeable. Si la violence des uns répond à celle des autres les toubabs sont plus que jamais sur la sellette tendue par Ousmane Sembène : capitaines dédaigneux, généraux sans foi ni loi ou encore lieutenants veules et soumis aux ordres hiérarchiques font figure de pions moralement médiocres voire entièrement condamnables au regard de leurs agissements. Les sénégalais, maliens et autres ivoiriens sont quant à eux dépréciés tels des demi-hommes, en voulant pour preuve leur pécule réduit de moitié par l'administration dudit camp.
S'ensuivront une mutinerie puis une exaction foudroyante, massacre durant lequel le sergent-chef Diatta et ses soldats connaîtront une issue tragique mais ironiquement mémorable, à ce point historique et éthiquement délicate que le film de Ousmane Sembène subira la censure en terre hexagonale durant près d'une dizaine d'années. Un film essentiel, magnifiquement photographié et savamment documenté s'imposant honorablement comme une authentique référence de Septième Art. A voir absolument.