J’en suis venu à ce long métrage après avoir apprécié le mois dernier The Lobster, du même Yorgos Lanthimos. Canine est de six ans antérieur, et me laisse une impression moins positive. De nombreux éléments rapprochent pourtant les deux films, à commencer par Aggeliki Papoulia, actrice tout à fait remarquable. Dans les deux métrages, le réalisateur s’interroge sur le formatage des individus dans des sociétés totalitaires, et sur la possibilité d’échapper au contrôle, même si dans Canine, il s’agit d’une microsociété, celle d’une famille littéralement séparée du reste du monde et fonctionnant quasiment en vase clos.
Dans The Lobster, c’était la seconde partie du film qui m’avait déçu. Ici, c’est la première, qui est beaucoup trop lente quoique particulièrement intrigante. Il m’a fallu cinquante-cinq minutes pour y voir plus clair, et ce n’est qu’à ce moment que j’ai commencé à m’intéresser véritablement à la situation. Avant de comprendre, l’ennui dominait et la tentation était d’y mettre fin. Ce qui m’a déçu, c’est que la seconde partie est brève et ne traite la question que superficiellement, avant de se terminer un peu brutalement. Avec une fin ouverte, comme dans The Lobster, si ce n’est qu’il s’agit ici d’ouvrir les yeux plutôt que de se rendre aveugle.
Mais là où le propos de The Lobster est limpide (malgré une deuxième partie beaucoup moins convaincante, je le répète), je trouve qu’on ne voit pas très bien où veut en venir Lanthimos dans Canine. Ce que je lui reprocherais, c’est d’avoir mis en place une sorte d’expérience de psychosociologie, avec le cadre d’une microsociété totalitaire, mais de ne pas être allé au bout de celle-ci, de ne pas nous dire véritablement comment elle allait s’achever. En bref, on a le protocole mais seulement des résultats très incomplets.
On n’a certes pas toujours besoin de tout savoir, on peut aisément supporter de ne pas comprendre pourquoi les parents agissent ainsi, mais il y a trop de mystère, trop de questions laissées sans réponses : on nous appâte, mais au final on ne nous apporte quasiment rien. Il y a bien un élément parasite qui commence à débloquer la situation, mais le film s’arrête avant de nous dire comment ça se termine réellement. La fin est trop facile, et à mon goût la réflexion peu approfondie.
Le problème principal de Canine est sans doute lié à la structure du film, à une construction qui le rend trop abscons. C’est presque le problème inverse de The Lobster, qui a de bonnes idées mais s’enlise dans sa deuxième partie : ici, le film s’arrête peu de temps après qu’il ne devienne intéressant. Dans les deux cas, le choix de la trame des films ne me convainc pas, mais au moins, le sens général de The Lobster était plus clair, alors qu’ici, je ne vois pas bien où veut en venir Lanthimos. Sauf à nous montrer l’étendue de son talent. Notamment celui de diriger ses acteurs. Ou celui de faire des choix techniques intéressants, avec par exemple des cadrages pour le moins peu académiques. Ici, ça se voit peut-être un peu trop que Lanthimos se regarde filmer…
Au final, contrairement à beaucoup, je ne trouve pas Canine dérangeant. Pas le moins du monde, malgré quelques scènes difficiles à regarder. Pourquoi ? Parce que la situation décrite est hautement improbable, même si on peut faire des parallèles avec les cas un peu particuliers d’enfants kidnappés et emprisonnés dans des maisons, ou surtout de ceux d’enfants reclus. Non, ce qui nous est présenté ici reste limité, Lanthimos ne nous dit pas grand-chose d’intéressant, si ce n’est qu’il faut toujours garder espoir : la situation est grave, dramatique même, mais il y a toujours un espoir qui surgit, aussi infime soit-il : même dans une société totalitaire l’homme nouveau peut envisager de trouver une autre voie. On aimerait pouvoir y croire.