Certains reprochent au cinéma de Mouret de ne pas prendre en compte le monde extérieur et d'avancer seul dans sa bulle, sans se soucier d'un réalisme contemporain absent de son cinéma. Je ne suis pas d'accord. Le cinéma de Mouret est un cinéma tout à fait en prise avec son temps, mais qui se refuse à accepter ce qui ne lui plait pas dans son époque, et ce qui ne lui plait pas dans la fatalité - le fatum - de l'enchainement des choses, un peu à la manière du cinéma de Rohmer, même si les deux ne se ressemblent pas, contrairement à ce qu'on peut lire parfois... Donc chez Mouret, les gens parlent bien, choisissent leurs mots, les gens sont élégants, ils habitent dans des maisons bien décorées, et sont cultivés, mais qui irait reprocher cela dans le cinéma de Sirk, par exemple ? Et Mouret, en tant qu'acteur, et un peu à la manière des personnages des films de Truffaut, se permet d'aller draguer des femmes trop belles pour lui, et parvient à les séduire, parfois, comme ici, même deux à la fois. Et ce n'est pas manquer de réalisme que de filmer ça, c'est croire à la réalité du cinéma, parce que le cinéma permet ça, et c'est même ce qu'on lui demande. Au-delà de cette longue appartée, Caprice est à mes yeux le plus beau et le plus réussi des films de Mouret, le plus touchant, le mieux écrit, le plus mélancholique, et celui où ces personnages ont le plus de corps, de présence, et existent le mieux en dehors des scènes, ont une vraie présence. Virginie Efira et Anaïs Demoustier sont absolument épatantes toutes les deux (et les deux meilleures comédiennes vues chez Mouret avec Frédérique Bel) et le film est d'une élégance, d'un raffinement qui élèvent l'âme, et traite du sentiment amoureux à la fois avec légèreté et en travaillant la question de la cristallisation si chère aux écrivains français du 19ème siècle.