Emmanuel Mouret a les bonnes références : Edwards, Wilder, Lubitsch. Ses films, lorsqu'ils sont à peu près réussis, nous évoquent plutôt Rohmer (sans la cruauté et l'intransigeance), Allen (sans l'angoisse existentielle) ou Guitry (sans la faconde roublarde). Et c'est malheureusement dans ces "sans" que se niche la limite, désormais claire, de son cinéma : dans "Caprice", tout est bon, depuis ces deux actrices parfaitement dans leur rôle jusqu'à ces dialogues posés qui tranchent audacieusement avec la vulgarité du monde, en passant par des situations scénaristiques propres à ouvrir des failles dans la mécanique réglée du vaudeville (deux garçons, deux filles, mais qui aime vraiment qui ?). Et de fait, "Caprice" procure beaucoup de plaisir au spectateur qui se laissera doucement séduire par ce conte léger, distancié, et pourtant lucide quant à l'Amour et notre propre état face à lui. Le problème surgit peu à peu, au fil de scènes charmantes qui laissent attendre que… et puis non : comme si Mouret n'avait pas l'audace - ou la méchanceté, peut-être - d'aller jusqu'au bout de la logique de son scénario, et de déboucher sur le mélodrame, le drame ou le "conte moral", au choix. Sa conclusion suspendue, réconciliatrice mais pas que… paraît du coup comme, au pire, une sorte de lâcheté, et au mieux une maladresse involontaire. On voit très bien où "Caprice" aurait pu nous mener, vers quelles zones d'ombre son scénario nous entraînait, mais Mouret a préféré rester au soleil avec son personnage trop évident de tendre maladroit. [Critique écrite en 2016]