Quatre ans après Avengers et la bataille de New York, le monde s'est rendu compte de l'existence des super-héros, et se pose une question fondamentale : les super-héros engendrent-ils les drames qu'ils combattent ? Une vraie question politique et philosophique, qui n'est pas sans fondement. Il est vrai que si on regarde l'ensemble du Marvel Cinematic Universe, le bilan des Vengeurs n'est pas en leur faveur : entre Iron Man dont les ennemis sont issus des dérives de sa propre technologie (de Iron Monger à, bien entendu, l'I.A. maléfique Ultron), Thor qui apporte les problèmes de son univers sur Terre et les interventions toutes plus « Team America : Police du Monde » les unes que les autres des Avengers, le super-groupe de Marvel a clairement du sang sur les mains. Résultat, l'ONU veut réguler tout cela face à cette menace, avec les Accords de Sokovie (du nom du pays est-européen ravagé dans Avengers 2) qui impose un contrôle intergouvernemental aux Avengers. Une décision politique qui divise nos héros, entre un Captain America idéaliste jusqu'au bout des ongles, fidèle à ses valeurs de libertés de choix, et un Iron Man désabusé et vieilli par tant de combats (tant en tant que Iron Man qu'en tant que Tony Stark) perdus, qui supportera l'idée de la régulation des super-héros.


L'arc Civil War est un monument des comics de la Maison des Idées, et le film a eu paradoxalement l'intelligence de s'en éloigner, pour éviter le piège de la comparaison. L'affrontement tant attendu est beaucoup moins manichéen que dans le support d'origine, ce qui est une bonne chose, et bien moins violent. Civil War évite le raté de Batman v. Superman de la haine apaisée en deux répliques ici, puisque les personnages n'en viennent jamais vraiment à se détester vraiment – rendant le combat all-star cast à la fois intense et léger, un pur divertissement d'anthologie, ce qui tranche d'ailleurs judicieusement avec le troisième acte. Mieux encore, les deux positions « politiques » incarnées par Iron Man et Captain America se tiennent, et chacun saura se faire son propre opinion, le film ne tranchant pas réellement sur la question. Nul doute que cela alimentera les débats entre spectateurs sur les mois à venir.


Autre défi, réussi lui aussi, celui de gérer une bonne quinzaine de personnages à l'écran, et d'arriver à équilibrer leur importance et leur développement. Les frères Russo, réals de ce Captain America 3, livrent ici un avant-goût satisfaisant des futurs Avengers 3 et 4 dont ils auront la responsabilité. S'ils sont très loin de la maestria de Joss Whedon, ils font figures de yes men compétents, ce qui, vu l'état des relations entre réalisateurs et producteurs chez Disney-Marvel, est déjà beaucoup (Edgar Wright, on te regrette encore). Pourtant, tout ne commençait pas idéalement. Les Russo nous refont les mêmes erreurs grossières du pourtant réussi Captain America 2, en ouvrant le film sur une scène d'action contre Crossbones, au montage et au rythme épileptiques, réalisée sans aucun sens ou presque de ce qu'implique une chorégraphie de film d'action. Scène qui est d'ailleurs aussi inutile qu'elle est vide expédiée, supprimant ce méchant d'occasion en carton du récit. Passé cette première heure, grosso modo, au faux-rythme frustrant, le film file vers les étoiles du savoir-faire Marvel. Civil War emprunte pour l'anecdote un chemin inverse que Dawn of Justice, dont la comparaison, quoique contestable, est rendue inévitable par le calendrier. Le film Marvel monte crescendo , quand le long-métrage de Snyder s'essoufflait par faute de trop-plein. Le combat à douze super-héros, la guerre civile à proprement parlé, est un vrai buffet à volonté pour fans de blockbusters, parfaitement géré. On assiste avec un plaisir jouissif à ce tourbillon d'idées de style, de punchlines et de pure action. Si le film doit démontrer sa réussite, c'est à travers cette scène – et également à travers tout le troisième acte, qu'on gardera de spoiler ici.


Dernier point, et pas des moindres, le film réussit parfaitement à introduire et Spiderman et Black Panther. Avec pour ma part, un vrai petit coup de cœur pour Tom Holland et pour sa version infantile et maladroite d'un Peter Parker plongé dans le grand bain pour son retour à la maison-mère (pour ceux du fond qui ne savent pas, Marvel a récupéré les droits du Tisseur qui étaient dévolus à Sony jusqu'ici). Le reboot Spiderman Homecoming promet d'être très bon, s'il continue dans cette voie là. Tout comme les Russo rassurent sur Infinity War. De quoi dissiper les inquiétudes de lassitude laissées par un Avengers 2 bon mais peu marquant, et un Ant-Man sympathique mais oubliable. C'est quand DC se casse la gueule que Marvel rebondit... Certaines choses ne changent jamais.

Cyprien_Caddeo
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le 27 avr. 2016

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