Viggo e(s)t Bo
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le 13 oct. 2016
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C’est le 2e film de Matt Ross. Un acteur américain qui apparaît dans de nombreuses séries en second rôle parfois fugace même si récurrent, à l’instar de son rôle de chirurgien dans American Horror story. Malgré une exposition assez relative, ce film fait controverse. Je vous le dis d’emblée, je me suis rangée… bah du côté de ceux qui ont aimé ce film. Un peu de douceur dans ce monde de brutes et de justiciers.
Le pitch : un père incarné par un Viggo Mortensen encore affublé de son sex appeal de papa ours de roi sur le retour, il n’a pas ici épousé d’elfe mais une avocate qui a tout plaqué pour élever leurs 6 enfants dans la pampa puis carrément dans la forêt et soigner sa bipolarité avec de lourds épisodes schizophrènes. Loin de faire des chasseurs-cueilleurs pouilleux de 8 à 18 ans, ces parents new age en ont fait des philosophes qui grimpent aux arbres, chassent le gibier en récitant leur manuel du parfait trotskiste. Non, pardon maoiste. Un évènement va les lancer sur la route.
J’ai aimé ce film. Tendrement. Oui mais d’autres l’ont détesté. Insulté même. De néo-bobo-philosopho-écolo-débile. Ils ne doivent pas aimer qu’on célèbre le philosophe Noam Chomsky. Anarky !
Mais ce n’est pas sa faute. Le film partait très mal. Une affiche digne d’une spécialité de Wes Anderson. Façon famille Tenenbaum. Avec les fringues en lycra, vendus au kilo, aux couleurs qui grattent les yeux. Faux. Il ne s’agit pas d’une famille loufoque. Bien sûr qu’elle est en décalage avec la société consumériste que nous connaissons. Pour certains parfois, le simple fait d’ouvrir un livre ou de dire sans bégayer le nom du réalisateur thaï Apichatpong Weerasethakul est un gage de bizarrerie.
Des spectateurs critiques ont pensé être floués, croyant avoir affaire au nouveau Little miss sunshine, un road movie tout droit sorti du festival indépendant de Sundance en passant par celui de Cannes (prix de la mise en scène). Oui il s’agit moins d’un brûlot que de l’histoire d’une famille, du thème d’être parent. D’être père. D’être un modèle. Ou un guide. Ou un gourou ?
Erreur là encore. Il ne s’agit pas d’une gentille petite comédie, avec sa liste lourde de gags, jouant sur le décalage et venant se clore par une belle morale mielleuse ou au mieux douce amère. Plusieurs indices me font penser que non. D’abord une photographie signée de Stéphane Fontaine. Vous savez que chaque semaine, nous tentons de vous faire partager notre passion commune et d’aborder les qqs notions que nous avons du cinéma pour vous éclairer et vous divertir, sans prétention. Stéphane Fontaine donc, est le directeur de la photographie des films de Jacques Audiard. De battre mon cœur s’est arrêté, Un prophète, De rouille et d’os. Il a collaboré avec Verhoeven cette année pour Elle, le film avec Isabelle Huppert. Il a aussi travaillé sur le film Samba. Avec Omar Sy, Charlotte Gainsbourg et Izia Higelin. On ne peut pas gagner à chaque fois…
La morale vue comme « Un esprit sain rempli de philosophie dans un corps gainé par les exercices de combat à l’arme blanche » a choqué, faisant naître le mépris vis-à-vis de scènes ou une petite fille de huit ans tient la dragée haute à ses cousins bien ricains mais incapables d’expliquer ce que sont les amendements à la Constitution. Je ne l’ai pas trouvé moralisateur justement.
Je vais vous le dire clairement : il s’agit selon moi d’un film sur une utopie qui meurt. L’idéal hippie, je pourrais vous en citer plein d’exemples : en vrai il y a Auroville en Inde (très frenchie d’ailleurs), le Burning man ; en littérature c’est plus errance avec la Beat generation, Kerouac Sur la route ou Into the wild. Et encore tellement plus d’exemples au cinéma, puisque ces deux livres ont été adapté. Mais je conseillerai Holly smoke. Parce que Harvey Keitel et Pam Grier hahaha mais aussi pour la désillusion du retour au traditionnel après une vie déconnectée (Alerte secte parfumée au patchoulis !)
La société consumériste provoque la méfiance de la famille sous la houlette du pédagogue patriarcal. Tout n’est pas remis en question. Les parents restent la référence, surtout le père. La santé mentale doit être stable. Les relations sexuelles citées ne sont que le pénis dans le vagin et c’est tout. Bon ok, expliqué à une enfant de 8 ans avec une simplicité et une fraîcheur qui en ces temps renouvelés de Manif pour tous font du bien. Alors patriarcat, hétérosexualité, monogamie, ce ne sont pas le vol à l’étalage, les missions un poil paramilitaires et l’appel à la sincérité qui font le bol parfait d’une utopie.
Cette famille vit une parenthèse enchantée. Elle ne veut se moquer de personne sauf des Chrétiens mais le père jure à chaque fois à grands coups de « Jesus fucking Christ » ou quelque chose d’approchant. Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark.
Un évènement va survenir dans cette famille et les faire croire qu’ils ont encore la chance d’être en accord avec leurs principes mais ils sont hélas déjà sur la voie de la péremption. Pas aussi cynique qu’un Everything is illuminated qui opposait humour et Shoah par balles – subtil – le thème du deuil en général est bien mené. Les piqûres de retour à la réalité font mal mais on ne peut les nier.
Frank Langella, toujours aussi alerte, même quand il joue les vieux croûlants (je vous conseille Robot and Frank, même si James Marsden joue dedans) joue le rôle du pince-sans –rires, du fasciste qui empêche d’être soit mêmes et pourtant il est surtout la voix du compromis.
Je n’en dis pas plus. Les acteurs sont au poil (regardez le visage de Mortensen sur l’affiche), les thèmes sincères et désenchantés en douceur. J’apprécie fortement ce que les anglosaxons appellent Bittersweet. Ici c’est un film de 2h qui ne condamne pas les utopies, pas plus qu’elle n’encourage à s’investir pleinement dans une société vaine et consumériste, fainéante à la Wall-E. Elle laisse le choix d’un entre-deux, de l’assimilation. Tout en conservant ses valeurs.
Captain Fantastic, c’est un peu nous et nos rêves de vieux hippies adolescents de modes de vie alternatifs. On pensait qu’on changerait le monde, puis on s’est rendus compte qu’avoir des principes, des valeurs, ce n’est pas si facile quand on se confronte à la réalité de la machine.
Peut-être qu’un jour je plaquerai tout pour aller faire du fromage de chèvre avec des sorcières wiccanes en Bretagne… S’il y a le wifi, je dis oui !!
Captain Fantastic, 3 séances aux Studio. La seule faute de goût, c’est la chanson des Bikini kill – Rebel girl, que j’aime bcp mais qui était de trop. Voilà pour moi.
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Créée
le 5 nov. 2016
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