Strabisme divergent d’une utopie

"Pourquoi ils sont malades les gens ? Ils sont tous gros!"
Impertinence subtile du point de vue de l’auteur que de faire passer ce message à travers la bouche d’un enfant.

Oui les gens sont gros. Gros consommateurs, gros hypocrites, gros lécheurs de cul, gros bourrés de pognon, grossis de principes à la con, grossis de suffisance, grossis de contentement, grossis de monotonie, grossis de retenue, grossis de politesse hypocrite, grossis d’une bienveillance imposée dans laquelle on se love sans se questionner.

C’est depuis cette accumulation de «gros» que part la divergence utopique menée par Ben, interprété par un Viggo Mortensen, charismatique absolu en gros ours brun des forêts. Mais force est de constater que vouloir être libre, c’est s’enfermer dans une dictature de la liberté, parallèle à la dictature de la pensée unique du monde réel.

C’est ce que raconte ce Road Movie, à travers un père en quête de liberté pour ses enfants et pour lui même, mais c’est aussi l’instant de se questionner quant aux obligations de citoyens face à son bien-être personnel. Que mettre en place pour vivre heureux ? Un juste-milieu. Là est toute la question de l’univers superbement mis en scène et agréablement filmé de Captain Fantastic.

Malgré une intrigue des moins amusante, (le chemin de croix vers l’hommage à la mère de famille défunte), on ne cesse de se marrer des multiples vannes relativement noires, fines ou pas, qu’amène ce scénario aux rebondissements incessants. On rit beaucoup mais on chiale aussi. Difficile de porter un regard sur l’histoire sans penser à un être aimé et perdu à qui on aurait souhaité donner autant de joie une dernière fois. Parce qu’au fond il n’est question que d’une volonté de bonheur et de plaisir à l’intérieur de cette famille.

Le film de Matt Ross est une bouffée d’oxygène, de positivité, ce film fait un bien fou, ouvre un débat et me donne, encore une fois, un peu envie de cracher à la gueule de ce qui est instauré… Néanmoins, la liberté qu’il nous reste est de trouver le juste-milieu.

Alors, allez voir ce film, parce que sans être un chef d'oeuvre, il est difficile de lui reprocher quelconques détails, tant sa réussite réside dans la cohérence du propos. L'opposition critique de plusieurs chemins de vie, permet au public de ne garder que ses préférences d'un mode de vie ou d'un autre, afin de, pourquoi pas, en combiner plusieurs pour pouvoir créer le sien.