Viggo e(s)t Bo
Le réalisateur du film a t-il vu Vie Sauvage de Cedric Kahn ? En tous les cas il le devrait peut-être car, si ce dernier n'est pas un chef d'œuvre, il a le mérite d'être brutalement descriptif et...
Par
le 13 oct. 2016
148 j'aime
9
Drôle de surprise que ce film. Je tiens à préciser que je ne savais pas du tout à quoi m'attendre. Pas vu de bande annonce, personne ne m'en a parlé. Mais l'affiche m'intriguais. Et puis s'il y a Viggo Mortensen, c'est quand même une bonne raison de m'y intéresser.
Tout d'abord, mon verdict en une phrase : ça faisait très longtemps que je n'ai pas été surpris par un film. Mortensen tiens le volant et nous emmène avec lui le long de ce road-trip avec sa famille déjantée. Au cœur du sujet, la notion de passage de l'enfance à l'âge adulte, à l'intégration dans la grande tribu humaine. La petite tribu Cash - nom ironique s'il en est - s'est retirée du monde des hommes, a fondé son propre jardin d'Eden, sa République de Platon, peuplée de roi-philosophes. Les enfants pensent, discutent de théories scientifiques, sous l'égide de leur père, instructeur exigeant et dévoué. C'est un drôle d'amour qui les lie tous. Un amour sans mensonge, sans cachoterie.
La mère, elle, est en hôpital psychiatrique, et ses troubles bipolaires finissent par la mener au suicide. Bouddhiste, elle avait écrit dans ses dernières volontés qu'elle souhaitait être incinérée dans la joie, et que ses cendres disparaissent dans la cuvette de toilettes publiques. Mais ses parents préfèrent à cela un enterrement chrétien des plus classique. Son mari et ses enfants, jugés trop marginaux, ne sont pas autorisés à venir.
Ils veulent pas de nous à l'enterrement. On doit obéir, on a pas le choix. Il y a certains combats qu'on ne peut pas gagner. Les plus puissants ont toujours contrôlé les plus faibles. C'est la vie, on y peut rien. C'est pas juste, c'est pas équitable, mais c'est comme ça que ça marche. On doit la fermer et l'accepter. On les emmerde.
Ils y vont quand même.
C'est le grand départ, au son de la cornemuse (et Dieu sait que j'abhorre cet instrument, mais le moment est assez jouissif) .
A partir de cet instant le film enchaîne les surprises, nous entraînant dans sa délicieuse folie, à la manière de Little Miss Shunshine.
Captain fantastic est d'abord une histoire de contrastes et de paradoxes. C'est une opposition de deux mondes. Le monde que nous pourrions appeler "conventionnel", "classique", "judéo-chrétien", mais aussi matérialiste et consumériste, inculte et obèse. Mais c'est un monde social. Intolérant, mais social. Et l'autre, éminemment philosophique, tourné vers la culture du corps et de l'esprit, tourné vers un prophète, avec ses propres idoles (Noam Chomsky a même droit à sa propre fête !). C'est une quête éperdue vers l'éducation parfaite, le Surhumain même...si ce n'est qu'ils ne vivent pas dans la société. Ils se contentent de la regarder de haut, tombant presque dans la même erreur que Christopher Supertramp dans Into the Wild.
C'est un discours fascinant sur les pensées et modes de vies alternatifs, qui deviennent de véritables sujets aujourd'hui (dans une moindre mesure, on pensera par exemple à de la bonne comédie franchouillarde comme Problemos d'Éric Judor). On a l'affrontement du social, avilissant mais concret, incarné par le personnage du beau-père/grand-père patriarche, chrétien, opposé au père marginal mais exigeant pour l'éducation de ses enfants...jusqu'à friser la folie. Le film ne cherche pas à démêler les paradoxes : en réalité, l'éducation des enfants est sans solutions au vue des modèles exposés dans le films. Être bête et intégré, ou marginal et brillant, sans rien connaître de la vie ? Telle est la question...
Mais le vrai coup de génie du film, c'est justement de ne pas chercher à donner cette solution, de rester entre deux eaux. Cultiver l'art de la surprise, et surtout montrer deux adversaires dans la subtilité et sans manichéisme. L'objectif commun n'est pas la garde des enfants, ni même de donner tord à l'autre. C'est la simple quête altruiste de transmettre ce qu'il y a de meilleur aux générations futures. Ne pas être intellectuel, passer sa vie à analyser des livres en écoutant du Bach. Il faut rire, baiser, trébucher, se ridiculiser. Admettre qu'on se trompe, se faire rappeler à l'ordre par ses enfants...Captain Fantastic est un personnage protéiforme, capable de passer de l'enfant qui veut manger nu à l'adolescent qui rejette le monde jusqu'à finalement être capable de faire les choix d'adultes qui s'imposent.
Mon gros coup de cœur de l'année !
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 10 Films
Créée
le 16 oct. 2017
Critique lue 308 fois
1 j'aime
1 commentaire
D'autres avis sur Captain Fantastic
Le réalisateur du film a t-il vu Vie Sauvage de Cedric Kahn ? En tous les cas il le devrait peut-être car, si ce dernier n'est pas un chef d'œuvre, il a le mérite d'être brutalement descriptif et...
Par
le 13 oct. 2016
148 j'aime
9
Ben vit avec ses six enfants au fin fond d’une forêt luxuriante du Nord-Ouest des États-Unis. Leur journée est rythmée par des entraînements physiques intensifs et de longues lectures sur des sujets...
le 23 oct. 2016
128 j'aime
6
Aussi difficile que cela puisse paraître, Matt Ross arrive parfaitement à se sortir du piège idéologique que pouvait lui imposer un film tel que Captain Fantastic. Le film, d’ailleurs, fait l’effet...
Par
le 14 oct. 2016
125 j'aime
3
Du même critique
Référence mythique du western spaghetti, à la sauce Sergio Leone, Il était une fois dans l'Ouest place directement son ambition, prétentieuse certes, au niveau des chef-d’œuvres de l'art en...
le 6 mai 2016
13 j'aime
1
Je fini le film encore choqué par ce que je viens de voir...Comme le premier, c'est globalement un mauvais scénario, pas très bien filmé, mais qui de toute façon s'en fout. Le distinguo caméra...
le 23 oct. 2020
7 j'aime
Ça aurait pu être fort. Très fort. Avant même les premières notes, des noms pour le moins très alléchants : Richie Carnavale, Olivia Wilde, Martin Scorsese, Mick Jagger...Un thème de rêve le...
le 26 avr. 2016
7 j'aime