À la fois intelligent et divertissant, Captain Fantastic de Matt Ross est un film d'auteur qui s'adresse à toute la famille, un film qui fait du bien au cœur ... un vrai bon feel-good movie, quoi ! Et pour ceux qui ne connaissent pas le réalisateur Matt Ross, sachez qu'il est également connu comme acteur. Vous l'avez déjà vu dans la série made in HBO Silicon Valley, dans le rôle de Gavin Belson.

Captain Fantastic c'est l'histoire de Ben Thomas (Viggo Mortensen) un père qui à la mort de sa femme doute d'avoir choisi la bonne éducation pour ses enfants. Sans la mère de ses enfants, l'équilibre de la famille est rompu. A deux on s'équilibre mieux, on se remet en question, on se soutient. Seul, on a tendance a verser dans les extrêmes. Or, dans la vie on ne grandit pas qu'une seule fois, mais une infinité de fois et notre regard sur tout ce qui nous entoure doit constamment évoluer pour rester en phase avec le monde actuel. C'est pourquoi il va devoir se remettre en question, passage obligé après cette disparition tragique. Il va devoir grandir à nouveau et ses enfants grandiront avec lui. C'est un échange générationnel, de haut en bas et de bas en haut.

Avec Captain Fantastic, Matt Ross prouve qu'il est tout à fait possible de vivre en marge de la société, sans pour autant ressembler à des indigènes. Les enfants de Ben ont certainement reçu une bien meilleure éducation que 90% du reste du monde, ils sont ouverts, tolérants et très intéressés. Au final, on voit bien qu'il n'y a pas de meilleur éducation entre celle proposée par Ben et celle plus traditionnelle que les autres enfants suivent. Il faut laisser le choix et peut-être trouver un compromis entre les deux méthodes éducation proposées. Je pense que la solution est beaucoup plus complexe que dire simplement : "vivre dans la nature et manger bio, c'est bien !"

Quelle que soit notre éducation, on est tous un peu prisonniers de la caverne de Platon. Nos parents nous montrent un modèle d'éducation, qu'ils ont probablement hérité eux-mêmes de leurs propres parent. C'est une vision parmi tant d'autres, mais c'est la leur, issue de leur propre vécu. Or, devenir adulte c'est trouver sa propre vision du monde, celle qui nous est propre et qui nous définit. C'est remettre en question notre propre éducation, pour sortir de la caverne. C'est d'ailleurs ce que font les enfants de Ben, ils grandissent et trouvent leur propre voie ! Mais toujours est-il qu'il y a des méthodes d'éducation, certaines plus que d'autres, qui leur donnent le droit de poser des questions, d'exposer leur point de vue, de s'accepter tels qu'ils sont et à avoir confiance en eux-mêmes. Ben ne ment jamais à ses enfants et ne décide pas à leur place. Il les laisse expérimenter, ils doivent comprendre par eux-mêmes. Et l'expérience lui donne raison, il ne s'est pas totalement fourvoyé dans son éducation comme il le croit au moment où il es au plus bas moralement, c'est juste qu'elle nécessite une constante évolution.

Le réalisateur Matt Ross ne dit à aucun moment qu'une éducation est préférable à une autre. Il extrapole simplement deux méthodes d'éducation diamétralement opposées, pour mieux mettre en évidence leurs différences, leurs forces, mais aussi leurs faiblesses. Il faut trouver un équilibre et ça passe par une remise en question du père. Ben évolue et comprend dans cette famille, les vrais éducateurs sont les enfants. Et pour la scène dans l'église, qui pourra en choquer plus d'un, il faut bien comprendre que c'est la mère qui désirait une incinération et surtout pas d'une messe traditionnelle. Le père à eu du mal à défendre les vœux de sa femme face aux réticences de sa belle-famille et ce sont ses enfants qui vont lui permettre d'offrir un vrai beau moment de recueil autour de leur mère.

Mais attention, l'éduction de Ben est loin de n'avoir que des bons côtés. On le remarque à de nombreuses reprises, parfois de façon explicite, parfois plus subtilement. Par exemples, les enfants lui font remarquer qu'en dehors des bouquins, c'est le néant ... ou quand ils se plaignent de ne pas pouvoir profiter des petits bonheurs de la vie, comme un simple hotdog. À première vue, ce sont des situations anodines, mais qui en réalité témoignent d'un mal être plus profond, engendré par une éducation marginale, en dehors du système. C'est symbolisé par l'attitude de Bodevan (George MacKay très bon) l'ainé de la famille qui souhaite s'extirper de cette famille isolée, pour profiter de la vie, les filles et la vie en fac, ou par le plus jeune des garçons, à l'attitude particulièrement vindicative. Et c'est le beau père de Ben interprété par Frank Langella (un acteur de seconds rôles décidément très bon) qui matérialise l'envie des deux garçons de "voir autre chose".

D'ailleurs, le fait qu'ils fassent de nombreux aller-retours dans la ville, n'est pas une erreur fortuite, arrivée là par hasard. Ce passage n'est là que pour montrer l'omniprésence de la société capitaliste et à quel point elle est devenue indispensable à tous, même à ceux qui s'y opposent farouchement. Ceci-dit, on peut tout à fait vivre en marge de la société, en campagne, tout en profitant de certaines des technologies de la ville. Et puis, on ne peut pas toujours être totalement en dehors de la société, en témoigne le passage obligé en ville pour remettre de l'essence dans le van.

Au final, Captain Fantastic s'avère être un très bon feel-good movie, qui redonne fois en l'humanité. C'est un film à voir, pour les questions qu'il soulève, la beauté de ces images, la tendresse et la drôlerie de cette famille étrange qui vient aux enterrements dans des tenues aux couleurs vives et avec des plumes dans les cheveux. C'est un conte, attachant, enfantin, et frais dans sa douce rébellion envers ce monde si quadrillé, étouffant. C'est un bonbon légèrement acidulé avec une pointe d'amertume. C'est une lumière posée sur le visage d'une mère morte, avec ses enfants qui la veille sans s'être cachés ce que la mort représente, mais sans en avoir peur.

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le 10 févr. 2024

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lessthantod

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