Mokri, Lynch, même combat ! Chacun y verra midi à sa porte...

Careless crime a tout du film mystique et mythique :

- des thèmes abscons : le temps, l'interchangeabilité entre acteur et spectateur, le karma inéluctable ou pas... ;

- des tours de force cinématographiques : moult plans séquence, une scène sous forme de boucle sans fin, des scènes vues et revues sous plusieurs angles ;

- un scénario basé sur un fait historique que le réalisateur rejoue dans l'Iran de 2020 ;

- une mise en abyme quasi permanente : deux histoires enchevêtrées et qui font référence à chacune d'entre elles par divers artifices, les parcours des protagonistes qui se croisent et se recroisent, des références dans le décor pour déjouer (ou rétablir) les sens du spectateur (ex : la présence de l'affiche de Close-Up, docu fiction de 1990 sur la société iranienne)...

Bref avant toute chose, pour apprécier le film de Shahram Mokri, il faudra déjà ne pas être perturbé par l'art de David Lynch.

Au-delà de la forme, le réalisateur a l'ambition de réaliser un film contemporain. Certes, nous ne sommes pas encore au droit d'inventaire de la révolution islamique.

J'ai d'ailleurs bien du mal à titre personnel à déterminer si la société iranienne montrée à l'écran est fidèle à la vie quotidienne à Téhéran (usage des portables et ordinateurs, relation entre l'armée et la population, quasi absence de la contrainte religieuse dans l'espace public...).

Interrogation légitime compte-tenu de la place des femmes dans le film, qui y jouissent d'une grande liberté de mouvement et de langage.

Finalement, chacun y verra midi à sa porte.

Que ce soit en matière de liberté d'expression ou d'explication à ce film labyrinthique.

La fin de Careless crime en est le meilleur exemple : elle fera du spectateur soit un pessimiste, soit un optimiste.