On pourrait croire que l'adaptation de pièce de théâtre au cinéma , c'est toujours la plaie et pourtant, d'une façon assez inexplicable , ça fonctionne plutôt bien chez moi.
Sans doute parce que j'y vois souvent un véritable défi (pour le réalisateur mais aussi les acteurs) de confiner ses personnages dans une unité de lieu unique et cela pour 1h30.
Autant pour le théâtre, on en a l'habitude. Autant, au cinéma, ça se fait plus rare.
Il faut que ça bouge, on multiplie autant les plans que les scènes et du coup , avec un film comme Carnage, on a l'impression ( à tord ) qu'on va s'emmerder.


Roman Polanski est là pour nous prouver le contraire.
Aidé par des acteurs exceptionnels, il nous offre un film drôle , dynamique qui loupe son coche que sur sa conclusion.


Christoph Waltz aurait tendance à remporter la timballe avec son personnage cynique accro à son portable mais que ça soit John C. Reilly ( le caractériel ), Jodie Foster ( la gentille bobo moralisatrice ) ou Kate Winslet ( la bourge qui digère mal le clafoutis ) , ils interprètent chacun un personnage fort et foncièrement énervé sur les bords.
Les rôles sont d'ailleurs assez bien partagés et chacun à sa scène ( comme l'inoubliable flot de gerbe ) rendant l'ensemble équilibré.
Contrairement à certains films chorals, ici, personne ne l'emporte sur les autres et on va plus apprécier un personnage pour des raisons qui nous sont propres et non pour un déséquilibre de scènes ou de plan à l'image.


L'échange justement : c'est l'autre point important du huit clos.
Là , on est dans du classique.
L'enfant du couple A frappe celui du couple B : les parents décident de régler ça de façon pacifique mais les bonnes intentions vont disparaître sous un flot de petites phrases cyniques et querelles de couples.
D'ailleurs si les enfants sont le point de départ de la discorde ( ils sont d'ailleurs absents ) , tout va y passer et les alliances font évoluer au gré du discours qui passeront de la moralisation sur l'éducation des enfants, aux divergences de couples, aux rapports hommes / femmes et à la vision du monde en général.
Ce qui est marrant c'est que la vigueur du propos évolue avec les boissons : on passe de l'expresso, au "vrai" café puis on termine par vider la bouteille de whisky de 18 ans d'âge ^^
D'ailleurs si il y a beaucoup de négativité et d'agressivité dans les propos ( le personnage de Jodie Foster est tout de même assez malmené ), Roman Polanski compense ça avec une bonne dose d'humour.
Et on rigole beaucoup en assistant à cette dispute d'adultes qui essaient de se comporter mieux que leurs enfants mais qui au final se retrouvent à être pire qu'eux.


Roman Polanski a su insuffler un vrai rythme à son film.
Les premières minutes où l'on voit le couple Waltz / Winslet essayé de partir plusieurs fois sans y arriver est une vraie réussite.
D'ailleurs le réalisateur use de plusieurs artifices pour donner du peps à tout ça comme les divers interruptions téléphoniques entre Waltz et son employeur ou entre Reilly et sa mère.


Donc oui, dans l'ensemble, Carnage est une franche réussite.
On ne s'ennuie pas , on rigole , les acteurs sont extraordinaires, la réalisation est maîtrisée.
Et pourtant que 6 ...
Car oui, et c'est souvent le problème de ce genre de film, la fin nous laisse sur notre faim.
Surtout qu'ici, la fin est abrupte : le téléphone sonne et clap de fin avec un générique sous fond de récréation.
Que deviennent les personnages ? Est ce que la dispute va continuer ? on n'en sait rien , c'est la fin.
Et au final, que nous apporte ce film ? quel message essaie t'il de faire ressortir ? Est ce qu'au final , ces 1h30 n'auraient pas été vaine ?
Je pose la question surtout que j'ai choisi d'écrire cette critique ce soir, c'est aussi parce que j'avais un peu peur de n'avoir plus rien à dire sur ce film demain ...

Stephane_Hob_Ga
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le 26 juil. 2015

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