« Carnets 88 » n’est pas un documentaire commun sur la droite radicale, comme la télévision en produit des tas depuis des décennies. Résolument emprunt d’une démarche artistique et intimiste, Sylvain Yonnet, le cinéaste, ne livre pas seulement un regard sur un milieu politique controversé, mais davantage sur un ancien camarade d’école (Daniel Conversano) ayant emprunté la voie fasciste. On est paradoxalement très éloignée d’une charge outrancière contre les idées extrêmes propagées par les intervenants, mais simplement d’une captation brute et dénuées de voix-off. La caméra semble curieuse, en recherche de compréhension de comment en arrive-t-on à défendre des vues politiques aussi radicales, surtout quand le milieu de base ne s’y prête pas forcément (Daniel Conversano ayant évolué globalement dans des milieux de gauche universitaires et culturels.)
Formellement, le documentaire est sans nul doute le meilleur que j’ai vu sur le sujet, les partis-pris artistiques sont cohérents et parfaitement tenus. Le choix du cadre en 1:33 accentue la nature groupusculaire dans laquelle le D. Conversano évolue et le sectarisme idéologique présent. Ensuite, incorporer des images d’archives montrant le Daniel jeune, filmant avec son caméscope à plusieurs étapes de sa vie – à 13 ans et étudiant – renforce la volonté du cinéaste de comprendre le basculement d’un camarade qu’il jugeait joyeux, littéraire et cinéphile vers la défense d’idées fascisantes. D’aucuns prétendrait que ces images d’archives humaniseraient un peu trop la personne de Daniel Conversano, mais le film est suffisamment bien monté et réalisé afin que l’on comprenne le but de la démarche.
Un très bon documentaire sur la droite radicale, dont l’originalité de l’angle et les choix artistiques en font une franche réussite. On déplorera cependant la distribution très limitée de ce « Carnets 88 » qui est compliqué à dégoter.