Two Lovers
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le 13 janv. 2016
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Au sein de la riche compétition officielle du dernier Festival de Cannes, le nouveau long métrage du brillant Todd Haynes, à l'instar du Sicario de Denis Villeneuve, avait décemment tout en lui pour attiser la curiosité des cinéphiles avertis que nous sommes.
Adaptation de l'un des romans de l'une des écrivaines majeurs outre-Atlantique, Patricia Highsmith - " Les Eaux Dérobées " -, porté par deux des actrices les plus talentueuses et demandées du moment (les sublimes Cate Blanchett et Rooney Mara, à qui l'on ajoute Sarah Paulson et Kyle Chandler); le tout sous fond d'amour interdit entre femmes en plein dans les puritaines fifties...
Carol était la promesse d'un grand moment de cinéma, mais surtout un beau et bouleversant mélodrame, certes académique mais qui permettrait - tout comme Les Huit Salopards et Creed - à l'année 2016 de démarrer de la plus belle des manières possible.
Le film compte donc l'histoire, dans le New-York des années 50, l'histoire de Therese, une jeune employée d'un grand magasin de Manhattan, qui fait la connaissance de Carol, une cliente séduisante et distinguée, prisonnière d'un mariage heureux.
A l'étincelle de la première rencontre succède rapidement des sentiments plus profond.
Les deux femmes se retrouvent bientôt prises au piège entre les conditions et leur attirance mutuelle...
En parfait héritier de Douglas Sirk qu'il est, l'anticonformiste Todd Haynes n'a jamais masqué sa passion pour les mélodrames classiques d'antan.
On se rappelle au bon souvenir de son magistrale Loin du Paradis avec la merveilleuse Julianne Moore, qui s'intéressait déjà à une héroine aussi bien prisonnière des conventions de l'Amérique faussement puritaine des 50's (le couperet sourd de l'opinion publique), que d'une relation en perdition (son mariage avec un mari souffrant de ne pas pouvoir assumer au grand jour son homosexualité) et d'un amour impossible (sa passion pour son jardinier noir et cultivé).
Avec Carol, Haynes reprend les mêmes thématiques (l'homosexualité ici double, le mariage branquebranlant, la romance interdite, les fifties ou il est impossible de pleinement gouter au bonheur) avec cependant moins de maestria qu'à l'accoutumée, tant on ne ressent jamais vraiment l'interdit qu'incarne l'amour entre Carol et Therese mais surtout, nous ne sommes jamais réellement touché par leur attirance manquant, justement, cruellement de passion.
Follement académique et dénué d'intimité, la péloche fantasme plus son idylle qu'il ne la met vraiment en image, et loupe même le coche de faire résonner dans l'actualité (ou l'homosexualité n'a toujours pas fini d'être tabou).
Bye-Bye donc la vibrante et emballante love story aussi tendre et poétique que douloureusement cruelle et réaliste, et bonjour le mélo tout en sincérité et en compassion mais à la retenue embarrassante malgré quelques jolies scènes.
Aucun regard, aucun sourire ni même aucun baiser ne dégueule de vie et de passion
Dommage car outre une esthétique renversante à la minutie frisant lourdement avec le fétichisme - une de ses marques de fabriques -, le cinéaste offre dans son récit initiatique d'une femme candide et un brin naïve (Therese, qui par le biais de sa relation avec Carol assumera pleinement son homosexualité), une opposition/attirance des contraires des plus fascinantes, à la fois physique (l'une est blonde et plus agé, l'autre brune et jeune), sociétaire (la bourgeoisie contre la middle class) et même un brin méta (la grande actrice oscarisée face à la rising star).
Mais au-delà d'un casting hors pair (Mara en tête, elle n'a pas volée son prix d'interprétation cannois) et d'une reconstitution d'époque léchée, Carol est un mélodrame policé sur un amour impossible à l'atmosphère séduisante et feutrée mais jamais charnel ni émouvant et empathique.
Ou la première (mais sublime) déception de l'année ciné 2016.
Jonathan Chevrier
http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/01/critique-carol.html
Créée
le 12 janv. 2016
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