Ahhh, Caroline chérie! Délicieux souvenir cinéphile adolescent! J’étais très jeune, le poil pubien naissant, l’acné furieuse, les hormones en folie et je tombe un soir sur ce film.


D’une part, c’est la découverte d’une bombe à défragmentation de calbuth, un ersatz de Marilyn Monroe qui n’est pas sans charme et qui dévoile bien plus que sa devancière américaine : Martine Carol, dans toute sa splendeur! Une plastique veloutée, pas trop maigre, la peau qu’on devine satinée, les petits seins mignons tout plein et la bouille boudeuse qui ravit l’âme.


D’autre part, je découvre ébahi que le cinéma populaire français des années 50 a osé insérer de petites vignettes érotiques dans un récit où l’ambition première est d’allier les grands mouvements historiques à l’émotion romantique. En effet, le trait majeur de l’intrigue reste ce fil conducteur amoureux que suit Caroline : retrouver son premier amour. Mais elle est ballottée comme un fétu de paille par le fracas de la Révolution. Un peu comme un personnage sadien, la jeune femme est initiée à son corps défendant à la rudesse de l’existence d’une petite aristocrate quand la populace prend les rênes de l’Histoire nationale.


Richard Pottier n’hésite pas à dénuder la poitrine de la demoiselle. La légèreté de ces polissonneries répétées eurent un effet explosif chez le jeune pubère que j’étais à l’époque. Elles ont marqué durablement ma mémoire libidinale. Je suppose qu’en 1951, ce film a dû faire grand bruit. Pas étonnant qu’il ait lancé avec force la carrière de la belle ingénue Martine Carol.


L’idée que la petite fille un peu nunuche (pour ne pas dire “conne”) s’endurcit peu à peu et devient vraiment femme à l’épreuve de la Révolution est assez bien rendue. L’intrigue n’est pas avare en moments plus tragiques, même émouvants. Le film montre pas trop mal pour une production “populaire” l’horreur de la Terreur, les atrocités auxquelles se sont livrés les révolutionnaires les plus cyniques. L’humanité n’est guère reluisante ici, surtout pour le peuple. La noblesse a le beau rôle. Les sentiments royalistes ne sont pas vraiment bousculés. On devine vers où l’auteur Cécil Saint Laurent (Jacques Laurent) penchait. Je ne sais s’il a écrit cette histoire dans sa jeunesse royaliste ou plus tard, mais la thématique contre-révolutionnaire suinte tout le long du film. Oh, non que ce soit préjudiciable au film, mais disons que ça n’aide pas à rendre crédible cette histoire.


Et de fait, l’aventure plus ou moins légère reste toujours, malgré les moments plus dramatiques, sur les rails du divertissement. “Caroline chérie” n’est donc pas un film proprement historique. La Révolution n’est qu’un prétexte pour placer une jeune femme naïve et au corsage fragile dans le chahut de l’Histoire. Sans pour autant qu’on puisse parler de film érotique non plus. Cet ensemble de genres (historique, érotique, romantique) donne quelque chose de curieusement très cohérent et surtout d’assez charmant. Je ne suis pas sûr de trouver d’autres films du même tonneau. Il est vraiment très singulier, une véritable curiosité.


Parmi les points faibles, faut-il évoquer le jeu de Martine Carol? Est-ce bien raisonnable? Je m’interroge. D’abord, joue-t-elle? J’ai vu quelques autres films avec elle (Nathalie, Le cave se rebiffe, Lola Montes, etc.) et il me semble qu’elle a toujours cette tonalité, cette voix et ce regard qui peuvent faire penser qu’elle joue une demeurée, ou qu’elle ne sait pas du tout jouer, option que beaucoup retiennent. Des histoires trainent ici et là sur sa naïveté non feinte. J’en ai entendu, mais je refuse de croire qu’une femme ayant eu sa trajectoire de vie, ayant subi ces souffrances ait pu être aussi débile qu’elle en avait l’air. Comme Marilyn, son modèle plus ou moins conscient, je crois au contraire ce que ce petit bout de femme était douée d’une grande sensibilité qu’elle cachait avec maladresse sous ses airs de bonne fille bêtasse et qu’en fin de compte, elle en souffrait. Tout cela pour dire que son jeu aussi frêle parait-il est le fruit d’un travail intime, d’une personnalité avec son intelligence. D’autre part, cela concorde parfaitement au personnage, à son parcours chaotique.


L’autre bémol du film, qui me semble beaucoup plus sérieux est le défaut de maîtrise du rythme. Quand le film s’endort par des dialogues trop longs, des scènes qui s’étirent. Certes, ce n’est pas non plus fréquent dans le film, mais cela arrive à deux ou trois reprises sur les deux heures de durée. Cela casse le tempo, préjudice pouvant être grave pour l’attention du spectateur.


Je ne veux pas terminer par cette note négative. Elle ne reflète pas le sentiment général que j’ai eu du film. Au contraire, après des dizaines d’années sans le revoir, ce visionnage m’a procuré beaucoup de plaisir, nostalgique sans doute, mais pas uniquement. Le bonbon Carol, les scènes mélos à la Conciergerie, les autres plus glauques dans l’hopital tenu par le fielleux Raymond Souplex, la photographie veloutée, audacieuse de Maurice Barry ou la musique de Georges Auric forment un tout distrayant, dépaysant, au charmant romanesque.


Captures et trombi

Alligator
7
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le 9 nov. 2016

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