Remake libre de Carrie au Bal du Diable, ce film magistral sur l'adolescence. Carrie la Vengeance serait plus proche du roman de Stephen King, base largement trahie par De Palma, à raison car les adaptations du célèbre auteur ne sont jamais si bonnes que lorsque les auteurs ne font que récupérer le plan d'ensemble (un autre exemple ultime : Shining).
Succès prévisible au box-office, Carrie la Vengeance a laissées les critiques plutôt mitigées et a été lynchée en France. Il faut dire que Kimberley Peirce opère quelques choix de mise en scène un peu douteux. Le style se rapproche des récents films de super-héros et Carrie tend à devenir un alter-égo féminin de Spiderman interprété par Andrew Garfield. Nous sommes alors loin du sujet. Les effets spéciaux et fantastiques sont parfois malvenus, dans la veine du plus lourd de Shyamalan (Signes, Phénomènes).
L'autre point noir, considérable, c'est Carrie. Le personnage est raté : mal écrit et mal joué. Somme toute, c'est une pouffe comme les autres, bien plus agaçante que la moyenne ; et son tort, c'est d'être une pouffe invisible, qui n'a pas su s'imposer. Il ne s'agit pas d'un être d'exception, d'une créature aberrante, comme l'était Sissy Spacek. Chloe, ta place est dans Harry Potter ou dans une suite pourrie de L'Exorciste ou Amityville.
Cette Carrie est tellement pénible et bancale qu'on en vient, sans partager les convictions, à rejoindre sa mère. Kimberley Peirce semble avoir plus d'emphase pour elle. Elle est devenue un individu sadomasochiste complet, plus torturé que dominateur. Et c'est là le plus grand atout du métrage : la performance de Julianne Moore.
Mais ce n'est pas tout. Autour de la nouvelle Carrie qui gâche le film en profondeur, les autres personnages sont très réussis. Le pilier présumé du film est devenu son maillon faible. Cette vie lycéenne, ce Beverly Hills cruel et cynique, participe d'une ré-actualisation très réussie. Naturellement n'importe quelle scène du Carrie de 1976 balaie le meilleur de cette version de 37 ans sa cadette.
Mais celle-ci sait montrer la mesquinerie beauf de son temps. Les portraits sont aussi plus humbles, plus terre-à-terre, à l'instar de la prof de gym, plus.. ''sportive'' que Betty Buckley. La combinaison de finesse dans les caractères et d'explicite malade qui prévalait chez De Palma n'est plus, ici c'est la banalité et la surface, celle dont se contentent tous ces gens, que nous percevons.
Et l'apothéose, cette fois, est sadique. Belle et grosse vengeance, du plaisir coupable qui tache où enfin Chloé la possédée est à sa place. Dommage que le désespoir qui y amène soit négligé, le martyr carrément omis.
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