Les critiques négatives qu’a suscité la sortie de ce film me semblent injustes. Outre un casting parfait, des dialogues fouillés et une esthétique sombre séduisante, le véritable intérêt de ce film repose sur la façon originale dont est traité un sujet aussi classique que celui du crime organisé.
La force du récit repose sur un portrait "en négatif" des cartels mexicains. Ridley Scott peint en effet une mafia omnipotente et omniprésente sans toutefois jamais la montrer, uniquement par le bais de ceux qui la connaissent, en parlent, la craignent et mettent en garde. Contrairement aux films du genre qui mettent en scène un " boss" plus ou moins réaliste et caricatural censé incarner physiquement le milieu; ici cette nébuleuse du crime n’est illustrée que par la présence d’intermédiaires obscures, de petites mains, ou d’initiés inquiétants à l’image de cet homme d’affaires mexicain quasi mystique auquel le "counselor" tente vainement de faire appel pour qu’il lui vienne en aide.
La description de cette société de l’ombre, véritable monde parallèle régi par ces propres codes et ses lois cruelles est d’autant plus sombre et oppressante que l’objet principal du récit est absent. Ce que Ridley Scott laisse imaginer est plus menaçant que ce que d’autres tentent vainement de filmer.
Malgré quelques fautes de gout criardes mais excusables (le jeux de Cameron Diaz en est une en soi), le recours à cette narration elliptique aboutit a un récit sobre et élégant, à l'image de cette scène où la mort d’une épouse est matérialisée par un enfant remettant simplement un cd rom (dont on imagine aisément le contenu) à son mari.