Alors à un tournant de sa carrière après l'échec du pourtant remarquable Le Temps de l'Innocence en 1993, Martin Scorsese revient à la recette qui avait fait le succès des Affranchis en 1990, que ce soit dans l'univers décrit, les thématiques abordées ou une partie de la distribution.
La similitude est même parfois troublante, mais sans jamais tomber dans le pastiche, ce n'est pas le genre du génial cinéaste italo-américain. En mettant en scène cette ascension et chute d'un homme dans l'univers mafieux, Scorsese aborde plusieurs aspects qui lui sont chers, à l'image du crime organisé, de l'ambition, la trahison, la famille, la nature humaine ou encore de la vision d'une vie faite de risque, de violence et de non-respect des lois. Il brasse tout cela avec ingéniosité et s'appuyant sur une écriture riche et efficace, où le déroulement de l'histoire, comme les personnages et les dialogues sont parfaits et sonnent toujours vrais.
La force de Casino, qui reste d'ailleurs la dernière réunion de Scorsese avec De Niro en attendant The Irishman, se trouve surtout dans ses personnages. Dès l'introduction puis l'enchaînement entre les deux voix-off, on se retrouve au cœur de Las Vegas et on se passionne pour eux ainsi que les enjeux. Peu à peu se greffe autour d'eux une galerie de protagoniste symbolisant la déchéance de la nature humaine, passionnante, elle aussi, dont les liens vont être superbement tissés par Scorsese. Ce dernier ne nous laisse guère d'espoir en ce qui concerne l'évolution et la finalité de tout cela, où la quête du pouvoir va se transformer en un impitoyable affrontement, et le gère parfaitement, il met en place une ambiance où le crépuscule des Dieux se mêle à l'univers flamboyant du jeu ainsi que celui plus sombre du crime organisé, on y est immergé, parfois fasciné et tout le temps subjugué.
Tout cela est rendu possible par la maîtrise technique, de l'image, du montage et de la narration par un Scorsese alors au sommet de son art. Il ne nous laisse guère de répits, les mouvements de caméras sont fluides et brillants, les longs plans et travellings totalement immersifs, bien aidé par une narration innovante, passant d'un esprit à un autre avec clarté et en alchimie avec le reste. Il sublime les images par une bande originale omniprésente et géniale, oscillant entre rock et blues ainsi qu'une parfaite direction d'acteur. De Niro, Joe Pesci, Sharon Stone ou encore James Woods maîtrisent leur rôle sur le bout des doigts, de là où ils lancent les dés pour les faire rouler, et récitent merveilleusement leur partition.
Quelques années après l'immense Affranchis, Martin Scorsese sublime à nouveau les films de gangsters avec Casino, où sa science du cinéma lui permet de proposer une œuvre aussi fascinante que violente, où ils passent en revue ce que la nature humaine a de plus violent, et ce avec une énergie et maîtrise technique incroyable.